There Is a Hell, Believe Me

I've Seen It.

« Il s'est moqué de moi. » « Parce que t'es roux? » « Ouais. J'lui ai foutu mon poing dans la gueule. » J'regarde le mioche que j'ai en face de moi, retenant un fou rire. Putain, Cody, 8 ans et demi et déjà violent comme pas permis. Il a hérité de son père, c'est clair. « Hey! J'te l'ai déjà dit Cody, ça sert à rien de frapper les gens, right? Il va fermer sa gueule pour un moment mais n'en pensera pas moins. Il est con, tu peux rien y faire avec ça.. Mais tu verras, quand tu seras plus grand, tu pourras te teindre les cheveux si ça te plait pas d'être un roux. » « Nan. J'veux pas me teindre les cheveux. J'me raserais la tête. Comme maman. » Petit instant de gêne. Comment lui expliquer que c'est pas normal pour une femme de ne plus avoir de cheveux? Que maman va surement mourir et que son crâne rasé en est la preuve? Des fois, j'ai l'impression d'être le seul adulte dans cette famille... Et pourtant, j'suis à peine majeur. Combien de fois on m'a sorti que j'avais l'air d'avoir 3ans de plus? Je les compte plus. J'ai poussé de travers, sans repères, perdu dans un monde dont je commence à peine saisir les règles. M'enfin, d'un autre côté, c'est plus pratique pour dealer. Aller savoir pourquoi, les gens ont plus confiance dans un mec qui fait 20ans que dans un qui fait à peine ses 18. C'est comme ça, c'est la vie. « Cody, bordel, tu vas mal tourner s'tu continues comme ça. Tu veux finir comme papa, hein? » Un alcoolique notoire, qui bat ses deux gosses et sa femme, qui dégueule dans tous les coins pendant les matchs de base ball, qui peut même plus s'tenir droit? Putain, non, Cody, tu veux pas finir comme ça. « Nan. Mais j'continuerais à lui casser la gueule. » J'éteind mon ordi, lâche un énième soupir et m'allume une clope, légèrement désespéré par ce gosse. « Allez, c'est bon, tire-toi, c'est l'heure d'aller au lit.. » « Tu m'lis une histoire? » « T'as qu'à r'garder la télé. J'pense pas qui y'ai du porno à cette heure, ni de films d'horreur. » Il me fait un doigt d'honneur et se casse, l'air boudeur. Peut-être que je devrais m'occuper un peu plus de lui. Peut-être pas. Sale gosse. Je finis par me décider à me lever du canapé, montant les escaliers pour aller voir ma mère. Elle ne dort pas, fixant le plafond de ses grand yeux bleus, comme à son habitude.

« Tu n'es pas allé en cours aujourd’hui? » « J'avais quelques trucs à régler. » « Le lycée à encore appelé, Liam. Je croyais que tu en avais finit avec tout ça. Tout recommence comme avant hein? » J'tire une latte de ma clope, recrachant un peu de fumée avant de hausser les épaules. « C'est compliqué. J'retape déjà un an pour te faire plaisir, m'en demande pas plus. T'façon, c'est pas comme si j'avais le choix... Pour mes absences j'veux dire. » Elle se retourne dans ses draps, toussant un peu. Putain, elle a une sale gueule de papier mâché. Le teint de quelqu'un qui va claquer. « Bien sur que si, tu l'as le choix. » « Ah ouais? Et pour payer tes soins, des études décentes à Cody, j'fais quoi? J'suis peut-être doué mais j'm'appelle pas Bill Gate. Jamais j'irais à l'université, jamais je continuerais mes putains d'études. Me saoule pas avec ça. » Elle me fait un petit sourire triste, tendant une main pour me caresser doucement la joue. J'me dérobe instinctivement, ses doigts effleurant le vide. « Tu iras voir ton père demain? » Mon père? Ce héros qui nous a abandonné? « J'vois pas pourquoi j'irais voir ce taré en prison. Tu veux quoi? Que j'lui apporte des oranges et que j'lui raconte ô combien il nous manque? Tu ferais mieux de dormir, maman, t'as une sale mine aujourd'hui. Si t'as besoin de quelque chose, t'as qu'à m'appeller, j'serais dans le salon. » Nos yeux se croisent un instant puis elle baisse le regard, se recroquevillant sous les draps. « Ne te couches pas trop tard, tu as cours demain. » C'est ça.

Our Ginger World.

Ça doit bien faire vingt minutes que je suis derrière elle, à observer sa nuque sans rien dire. J'sais bien que dans quelques minutes elle va descendre, ramasser son sac rouge qui dort sur le siège à ses côtés, se lever lentement, glisser une mèche rousse derrière son oreille et.. sortir du bus sans me voir. Un jour je finirais par lui parler. Un jour... Un jour je prendrais pas ce putain de bus pour rien, j'ferais pas un aller-retour à l'autre bout de la ville juste pour rester assis à la regarder, un air débile plaqué sur la face. Avant de la connaître, ça me faisait doucement marrer toutes ces conneries sur l'amour, le coup de foudre, the One et tout ça... Après, beaucoup moins. Ça me rend malade de la voir rire avec quelqu'un d'autre, de la voir sourire à quelqu'un d'autre.. En fait de la voir tout court avec quelqu'un d'autre. Elle a peut-être un copain, un amant, un fiancé, un mari? Trois gosses qui l'attendent chez elle? Putain, ça m'ferait mal. Aujourd'hui je lui parle. J'me lève donc finalement, voyant que le bus ne va pas tarder à s'arrêter. Crissements de pneus fatigués sur l'asphalte brûlée. Foule qui pousse, qui se précipite pour rentrer dans son petit chez-soi adulé. Ma rousse s'éloigne rapidement et je lui emboîte le pas, sans véritablement savoir où elle va. Les ruelles étroites s'enchainent, presque toutes les mêmes.. Immeubles aux façades crasseuses et aveugles, vieille ville qui se replie sur elle-même, attendant patiemment la nuit pour s'éveiller à la vie... Plutôt glauque le quartier.

Ses talons claquent sur les pavés mouillés, rythmant notre marche de pantins fatigués. Et puis elle s'arrête. En plein milieu de la rue. Elle sort un paquet de clope de son sac et s'en allume une, recrachant quelques volutes de fumée dans la nuit grisée. « Tu vas me suivre longtemps? » Elle ne se retourne pas. Me parle comme si je n'existais pas. « Une chance. Je te donne mon prénom, Eaven. Trouve moi avec ça.» Je reste un instant à fixer sa chevelure rousse, sans comprendre. Je sais pas vraiment comme le prendre. Mais elle, elle s'en fout, elle s'en va, me laissant seul avec les chats. Je ne la poursuis pas. Trouve moi.


A few days later.

J'me pose sur un banc devant chez elle, sortant mon BlackBerry, une clope et mon briquet. J'ai finit par la retrouver. C'est quoi la suite des évènements? J'oserais jamais aller lui parler vraiment, alors j'vais lui envoyer un mail. Ouais c'est ça, un mail. Un message éthéré pour un peu d'espoir envolé.

Citation :

From: iloveyou@hotmail.co.uk
To: jesus-is-my-dad@hotmail.co.uk
Object: It's stupid but...

Je suis plus doué avec les chiffres qu'avec les mots. Mais je prend le risque de t'écrire tout de même, j'espère que ce mail ne te fera pas fuir. C'est la troisième fois que je te croise aujourd'hui. C'était moi le roux à la boulangerie. C'était moi le roux à la pharmacie. C'était moi le roux ce soir-là. C'est moi le roux devant chez toi. I've found you. J'te demande pas de descendre les escaliers pour venir me retrouver, juste de savoir que je t'attendrais. Toute la vie si il le faut. I LOVE YOU. I could be here when you call, I'll make you top of the list. And in the crush of the dark I'll be your light in the mist....

J'tire une taffe, puis une autre et encore une autre. Pas de réponse, elle ne descend pas... Tant pis, j'ai toute la vie nuit devant moi.

Noé S. Bomer a écrit:

J'suis pas qu'un roux, bastard.

Les roux, la minorité gouvernée par Tabbie.

RE [...]

Tabitha P. Cartwright a écrit:

EDIT : Liam, t'as trop raison, viens là, mon rouquin