un portable iphone, un baladeur, un paquet de clopes.
L'appareil photo de malade, dernier Nikon en date, avec un objectif de dingue, bref, le monstre dont tout le monde raffole, mais dont, à la mention du prix, les esprits se glacent, et les gens remballent leur fric. Un bloc-note, oh, le tintement, là ? Certainement une bouteille. « alcoolo » qu'ils disent. Ils ont pas tord.
c'est clean. la femme de ménage tolère pas que je laisse trainer mes affaires, alors, cette pute, elle fait le ménage, et me cache mes affaires dans la baraque, vu qu'elle sait que je la connais pas, même après dix ans.

Brumeux sont les sentiers de gloire, torturés ceux des marginaux, infinis ceux du rêveur invétéré, mortels ceux du réaliste. Lequel emprunter, lequel est la valeur sûre ? Lequel prendre, lequel risquer, car, retour en arrière il n’y a pas. Le rêveur marche entre les mondes, les glorieux ont leur monde, les marginaux celui-ci, les réalistes, eux, se cantonnent à flirter avec la Faucheuse. Cruel dilemme, que de savoir quel chemin prendre, quel itinéraire adopter. Et là, dans l’ombre, il n’existe nul chemin, nul parcours vers la chaleur de la lumière.
Là, elle erre.

Subitement, elle s’arrête. Son bloc-notes lui échappe. Il tombe au sol, les feuilles s’envolent, le stylo roule dans le caniveau. Ses genoux heurtent le sol, sa main crispée sur son cœur. L’autre main, sur le sol. A quatre pattes, piteuse, incapable d’esquisser un putain de geste. Pétrifiée, cherchant une respiration qui peine à lui venir, peu s’en faut qu’elle en devienne violette, sa respiration si sifflante. Et les gens, ces putains d’anglais, s’écartent, effrayés. Murmures obsédants qui pénètrent son esprit, le lacèrent avec une violence inouïe. Elle hurle, le cri s’étouffe dans le fond de sa gorge. Elle roule sur le sol, cherchant l’air, l’air qui ne pénètre plus ses poumons, son cœur qui refuse de lui obéir, ses veines qui ne pulsent plus. Sa main cherche d’elle-même son sac, trouve la seringue. Dextérité de l’habitué, d’elle-même, presque un geste qui ne lui appartient pas, la seringue se plante là, dans le creux du bras. Le liquide s’écoule, la libère aussitôt son chemin vers son cœur. Pantelante, elle reste là, étalée sur le sol. Trop épuisée pour oser n’esquisser qu’un geste. Au coin de la rue, le boucan se fait entendre. Elle gémit. Les bâtards, ils ont appelés une ambulance. (…)

Les mots incompréhensibles des docteurs, les murs blancs, elle panique. Sa phobie des hôpitaux est démentielle. C’est dire, c’est stupide, pour une malade. C’est con. Elfi s’arrache aux vêtement aseptisés, se faufile hors des murs blancs, fuyant, encore et toujours, loin de cette pestilentielle odeur de distillé, loin de ces seringues trop propres, de ces murs trop blancs, de cette pureté trop pure. Et elle cours, elle cours. Le long des rues de Derby, de cette foutue Angleterre ou ses parents ont cru pouvoir échapper à cette putain de mafia. Que des cons, les anglais, là, qui la regardent de travers tandis qu’elle fuit, les jambes nues, les pieds nus, le haut du corps couvert par un pull volé. Elfi n’a plus honte. Elfi est à moitié folle aussi, selon les dires de certains. Ses cauchemars sont si violents, que la dernière fois, le voisin lui a balancé son foutu matou par la fenêtre. La bête, toutes griffes dehors, s’est bel et bien vengée, Elfi aussi. Le voisin cause plus de soucis, dès lors qu’il a un flingue coincé sur la tempe. Même s’il s’agit d’un flingue pour gosse, et qu’il a pas été foutu de faire la différence. Elle cours, loin. Laissant la ville derrière elle, elle traverse les champs, s’écorchant jambes et pieds, jusqu’à, ce que ce soit son corps qui proteste, et qui, tout entier, l’envoie sur le sol. Son cœur battant la chamade, elle peine à reprendre son souffle. Elle sait.
Elle sait que la Faucheuse veille au grain.
L’odeur de la terre dans les narines, elle parvient finalement à se mettre sur son séant. L’orée de la forêt est proche, le ciel se couvre des couleurs mordorées du crépuscule proche. Furtif instant, le vent ébouriffe sa tignasse, et alors, là, sur ses lèvres délicates, se dessine un sourire éblouissant. Elle lève les mains, la tête, rapproche ces dernières de sa bouche, et hurle à la mort, comme le ferait un loup. Son hurlement résonne dans l’approche de la nuit. Là, un oiseau s’envole effrayé, protestant contre cette folle qui hurle sa nostalgie au ciel. Là, le chat rentre dans les ruines de la ferme, se terrant dans la peur de l’approche de son lointain cousin. Et elle, qui sourit, au gré et au su du ciel et du vent. Là, elle est sobre, totalement. Imaginez, avec quelques verres, quelques rasades de rails…
Elfi, malgré ce qu’elle vous en dira, Elfi, n’a pas perdu la lumière. Elfi, c’est la lumière, c’est l’ombre. La raison et la folie. L’ordre et la décadence. Le désespoir et l’espoir. La tristesse et la joie. Les pleurs et le rire.
Elfi, c’est renaître. Le phénix.