Tu regardes distraitement. Enfin, tu sens surtout. Puisque ta main a plongé dans cette boite à trésor qu'est ce bout de tissu, tu mélanges, et oui, tu sens. Les particules glissent sur tes doigts comme l'information se transmet du code barre, et tu sais, maintenant. Il n'y a que du sable, et des cailloux. Des cailloux, bijoux, genoux, etc. non. Il y a du sable, et des jolis cailloux, et tu crois que ce sont des morceaux de lunes, parce que tu trouves finalement qu'ils font un drôle de bruit, oui, un bruit lunaire. Et puis tu te dis aussi que s'il n'y a pas de gravité sur la lune, il y a certainement des morceaux qui s'en détachent et qui tombent sur la terre. Oui, cela va de soit. et puis le sable, tu ne sais pas, tu trouves cela doux.
Tu souris. Il y a toi. Non, pas toi Punthali, mais toi en miniature de plastique, le toi de ton Papa, cette minuscule représentation de la petite Punthali que tu étais avant, bien plus que maintenant. Elle est vraiment petite, cette poupée. Tu te demandes si le fait que tu ne l'ai jamais nourri a contribué à sa si petite taille. Mais tu imagines qu'un objet n'a pas à s'occuper de tels besoins, non. Tu réflechis. Il y a aussi ton téléphone, et ton téléphone, c'est comme les téléportations, tu l'aimes bien, tu peux être très loin de quelqu'un, tout en étant toute près. Tu aimerais bien avoir le numéro de quelqu'un que tu ne connais pas, pour voir, parce que tu te dis que logiquement, on ne peut pas être près de quelqu'un d'inconnu, non ? Mais on t'as dit qu'il ne le fallait pas. Tu as aussi un cahier, car écrire sur ses mains, ce n'est pas élégant -tu le sais- mais tu es persuadée que des lutins viennent y laisser leurs traces quand tu dors. Tout ça, tu le sais, parce qu'avant, il appartenait à la princesse d'Elendel -très jolie, cette princesse- et qu'elle l'a perdu quand elle a du monter sur une échelle en fer jusqu'au ciel, pour décrocher un de ses fidèles, accroché à un nuage. Oui, c'est pour cela la tour Eiffel. Tu souris, une fois de plus, ton sourire est pourtant vain.
Tu mets du temps à comprendre. Pieu. Quel mot étrange, on dirait un nom d'oiseau sans grâce. Mais tu l'as déjà entendu, tu te souviens que « Pieu » c'est c'qui désigne l'endroit où tu dors. Alors tu réponds à la question, les yeux aux plafond.Tu crois qu'il n'y a jamais eu grand chose, en fait. Tu sais qu'il y a des enfants qui ont peur de ça, parce qu'ils pensent qu'il y a des monstres sous leur « pieu », mais tu trouves qu'ils sont bien naifs, les monstres ça n'existe pas. Juste une fois, il y avait un oeuf de dragon, parce que tu avais mis une couverture sous ton lit, juste comme ça, pour voir, et parce que tu sais que les oeufs de dragon ont besoin de beaucoup de chaleur pour éclore. Tu t'exclames que quelle était ta surprise alors, quand tu as retrouvé un bout de coquille dedans. Le malin, il avait filé avant même que tu puisses le nommer. Mais quand tu y repenses, ces enfants avec leurs histoires de monstres, c'est plutôt ridicule. Tu es seule. Dans ta réalité et ton humour, tu es seule.

Les misérables. Les foncés de corps, les noirs de corps et sales de l'esprit.
Le malhaise du monde, crime de l'humanité.
L'origine du tout. De tout.
Clameur. Le soleil. Il brûle.
Mais ne les soutient pas. Plus rien ne les soutient. Le monde déjà en ruine s'écroule à présent lamentablement, mais eux seuls le voient. Eux seuls le pleurent.
Il n'y aura donc pas de bénédiction, hormis celle accordée aux insultes de la foule. Et si c'est le cas, cela au moins est clair, ils sont bénis.
Parmis les Hommes. Bientot morts parmis eux, pour eux et par eux.
Le soleil. Il brûle. Il efface les peines et les joies. L'officier Ycar Dana. Il n'existe plus. Militaire disparu au combat.
Je meurs dans la poussière, je meurs dans tes bras. Continuez votre guerre. Mais continuez sans moi. Je meurs dans la poussière, mais je meurs comme un roi.



C’est toujours la même chose, le même système ; celui de l’indicible tension superficielle, mais bien réelle. Elle parle, et elle dessine des formes sur son bras avec ses doigts. Elle les remonte, les redescend, ta raison en fait de même, elle s’enraille, elle est déjà partie et tu sens bien que ta douceur aussi. Tu sais bien que ses ongles s’enfoncent de plus en plus dans sa peau, et tu sais aussi que les serpents qu’elle a dessiné s’enroulent et serrent, serrent. Serrer. Tu sais jusqu’où vous pouvons aller, mais cette pensée ne reste jamais plus qu’une fraction de seconde dans ton esprit, là où elle devrait sonner comme un tocsin dangereux. Et ses doigts remontent, redescendent. Les serpents sont à tes pieds, tu te rends compte que tu ne sais pas où tu es. Subconscient surexploité, dimension parallèle carbonisée, tout te parait douloureusement coloré. Trop de vert, trop de jaune, ses lèvres trop rouges. Si rouges. Elle regarde les serpents monter à présent sur ton propre bras, te sourit, et continue à parler. Tu te demandes si elle ne chante pas finalement. Tu te demandes aussi pourquoi tu ne fuis pas, tu n’hurles pas devant deux invertébrés potentiellement mortels et ayant apparemment comme seul projet celui de t‘agripper.. « Ce monde est étrange. » Oui, elle chante. Et tout ici est finalement trop vivant et trop douloureux. Même sa voix, surtout sa voix. Et puis tout s’augmente, le son te crèvent les yeux, les couleurs percent tes tympans et tu goutes l’odeur du sang, de son sang, lui aussi fluorescent, en sentant tout ton être s’exploser dans une épouvantable distorsion.
« Punthali, on s'en va. »
Raj. Tu crois. Il te prend le bras. Tu souris et pleures. Pour la première fois de ta vie tu as peur. Il te met la main sur le front. Geste protecteur. C'est fini. Tu ne toucheras plus à ça, Punth. Tu ne la rencontrera plus. Jamais. C'est fini.
Ca ne finira jamais.

Dieu, que les hommes sont durs. Que les hommes sont surs, de nos dieux.
Que les hommes sont durs. Que faut-il donc qu'on fasse, pour que tu nous accordes ta grâce ?
Dieu, toi qui nous as mi sur la terre, pourquoi nous forcer à nous taire, et regarder pourrir les hommes ?.