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 a moth under the skin.

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MessageSujet: a moth under the skin.   a moth under the skin. EmptyMar 8 Mai - 21:08


a moth under the skin. 302682KristinaRomanova3
THE MUSES THEY'RE NOT WORTH YOURSELF
et cependant, je me découvris plein de songes. ils me vinrent sans bruit, comme des eaux de source, et je ne compris pas, tout d’abord, la douceur qui m’envahissait. il n’y eut point de voix, ni d’images, mais le sentiment d’une présence, d'une amitié très proche et déjà à demi devinée. puis, je compris et m’abandonnai, les yeux fermés, aux enchantements de ma mémoire. ◮ a. de saint-exupéry


Des étrangers. Voilà ce qu’on était. Des traînées dans le sable qui, si elles partent du même point, si elles serpentent côte à côte, jamais ne se rencontrent. L’unique parole est convention, le seul sentiment : indifférence. L’éclat des conflits s’est muré dans le silence à force de se briser sans effet contre le mur du temps, se transformant en hypocrite politesse, me laissant ce goût amer contre le palet. Cette impression de vivre chez de parfaits inconnus. Et c’est invariable : chaque fois que mon regard s’attarde sur une fenêtre, il se perd dans le souvenir des fugues, quand enfin la sensation poignante de vivre m’attrapait à la gorge avec la peur exaltante d’un monde hostile. Il traduit sans relâche cette envie de les fuir, de trouver un endroit où mon entièreté deviendrait plénitude, caressant l’espace sensible de ses propres convictions, sans avoir à concéder un morceau à ces parents qui n’en sont plus. Paradoxe, cercle vicieux. Ce sont les déménagements, les voyages – ce tourbillon dans lequel ils ont enchâssé mon enfance, ballottée, fuselée aux quatre coins du monde, arrachée au moindre espoir d’esquisser une quelconque attache. Oui, ce sont ces départs, ces retours, qui ont dévitalisé le cœur d’être à leurs côtés encore, transformant en injure le simple fait d’inspirer cet air pourri par leurs petites habitudes, cette superficialité dans laquelle s’inscrivent des valeurs qui n’en sont pas. Les miennes ne sont pas fausses, elles respirent le vrai, le réel. Je veux vivre dans la liberté, palper, croquer, m’échapper. Être l’insaisissable. Mais savaient-ils, qu’en trimballant ainsi le corps de leur poupée, ils forgeaient en même temps cette personnalité qui est la mienne aujourd’hui ? Savaient-ils que trancher les liens nous précipiterait dans ce quotidien invivable, ponctué de mes fuites qu’ils ont cessé, au bout d’un certain nombre, de filer ? Le fait est que tout ça est arrivé. La liberté, ils me l’ont injectée dans les veines. Comme de la drogue. Pire que ça, même. Me l’arracher, ça reviendrait à me vider. À pire que tout. Pire que la mort, même. Comment pensaient-ils pouvoir canaliser cet esprit anarchique qu’eux mêmes ont enfanté, me retirer la seule aspiration qu’ils m’aient jamais inculquée – à savoir, d’exister comme une nomade ?

Les cris ont longtemps raisonné. Les larmes ont saupoudré ces scènes mélodramatiques qui me faisaient violemment lever les yeux au ciel. Je ne pouvais même plus lui dire de ne pas pleurer. Parce que ça ne me faisait plus rien. Je me fichais de cette peur qui les prenait, dès lors que je me décidais à fuguer. Je flairais l’hyperbole, puis le mensonge. À vrai dire, ils se mentaient à eux-mêmes. Nos différends nous avaient séparés depuis déjà bien longtemps. Alors, l’ironie des larmes a été suivie de cette résignation. Puisqu’on peut pas réparer les pots cassés, autant balayer l’éclat avant qu’il ne vous entaille la peau. Autant le balancer. L’oublier.

Ce jour là, en rentrant, j’appelle leurs noms. Pas parce que je veux les voir. Parce que je veux être sûre qu’ils ne sont pas là, avant de me détendre. Seul le silence me répond. Pas de mot sur la table. Pas de sms, pas de messages sur le répondeur. Juste les manteaux qui manquent et la place pour deux paires de chaussures supplémentaires. Je hausse les épaules. C’est toujours comme ça : ils se taillent. Vivre sous le même toit, c’est un accord à l’amiable. Alors, on évite de se croiser. Ils sortent, me disent pas ce qu’ils font, où ils vont. Moi, pareil. Des étrangers, je vous dis. Mes clés s’abattent sur le meuble de l’entrée dans un fracas métallique, tandis que mes pas remontent déjà le couloir. Le soupir qui fait vibrer mes lèvres trahit la lassitude que m’évoque cet endroit. Petite maison bien propre, bien rangée – comme leurs proprios, après tout. L’anticonformiste que je suis se sent comprimée dans cet espace impersonnel. Bridée. Vivement un appartement que je puisse au moins transformer à ma sauce, sur lequel laisser déteindre mon imagination débordante. Enfin, ça je sais que je ne l’aurai pas tant que je n’aurai pas trouvé quoi faire de ma vie. Je ne doute pas que mes parents voudront bien m’en payer un pour se débarrasser de ma présence encombrante – de toutes façons on vit très bien chacun de son côté – mais avant ça il va falloir que je déniche une activité un tant soit peu honorable. Depuis que je me suis faite virer du lycée, y’a de ça plus d’un an, je ne fais plus rien. Je sors, je respire la débauche des grandes fêtes, je rentre, je mange, je dors. Je peins. Je bouffe des cachetons, aussi. Rien de concret. Rien qui me trace un avenir un peu sécurisé. Du coup, je me suis mis en tête d’être acceptée dans une école d’art, ou au moins de trouver un genre de mentor. Un artiste comme moi, qui pourrait insuffler à mon pinceau sa technique expérimentée. Enfin, bref. Seule chose à noter : vivement que je me casse d’ici. Je ne sais pas si je reverrai un jour ceux qui me servent de parents, d’ailleurs. Ca m’importe si peu.

J’arrive à un petit escalier qui grimpe sous le toit, seule parcelle de la baraque où je me sens bien, où je me sens moi. Je gravis les marches, ouvre l’unique porte sur le palier, atterrit dans mon antre. Là, jamais ils ne posent le bout de leurs chaussures cirées. C’est mon espace. Mon atelier. L’archétype même de l’atelier de peintre par excellence : un joyeux bordel de toiles enchevêtrées, de palettes, de couleurs, de fringues. Le sol accueille mon sac dans un bruit étouffé. Je me laisse tomber contre le parquet brut quelques pas plus loin, le dos contre le mur. À côté, par terre, il y a le matelas sur lequel je dors quand je dors ici. Et, dessous, la boîte. Ma main se faufile sous le sommier, détourant le métal froid de son couvercle cabossé, l’extirpant de sa cachette précaire. Mais il n’y a rien, dedans. Le silence me répond, lorsque je la secoue. Je soupire. Je me serais bien mise à peindre, là, maintenant, mais je voudrais que ça soit mémorable, comme lorsque j’avale une pilule et les délires qu’elle me procure. J’attrape un paquet de clopes, en tire une et l’allume, scrutant les particules en suspension qui dansent dans la fumée. Je me glisse jusqu’à la vieille platine, retourne le vieux disque qui y trône, inchangé depuis une éternité, et appose le diamant sur sa surface dans un craquement caractéristique de ces vieilles machines vintage. Mozart remplit l’atelier, donnant à la pièce une dimension nouvelle. Je regarde la lumière d’un soleil déjà déclinant, encore chaleureux, s’égrener du vasistas, distiller ses reflets dans la fumée. Au bout d’un temps, les yeux se ferment. La clope se consume, délivrant le mégot de sa nicotine avant de finir indifféremment sur le sol, à l'abandon. Je ne sais pas combien de temps je reste comme ça, à me passer le vinyle en boucle. Quand j’ouvre les yeux, la nuit est tombée. J’ignore quelle heure il est. La petite boîte de métal dort toujours entre mes mains. « Ca t’arrive jamais, de répondre aux sms ? » Un sursaut me prend tandis que je remarque enfin cette silhouette, ce mouvement dans un coin qui m’a sûrement tirée de ma rêverie. Une seconde passe, et puis je le reconnais. Un immense sourire anime mon visage. Je réponds : « ça t’arrive jamais, de sonner avant de me faire faire une crise cardiaque ? » Un rire me prend alors que je me lève pour déposer un baiser sur la joue de mon ami. Ah, Daphnis… décidément, je ne m’y ferai jamais – ce qui ne m’empêchera pas de sentir encore ce bonheur chaque fois qu’il débarquera à l’improviste.

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Daphnis Walsh

Daphnis Walsh

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PSEUDO : caribou. - camille.

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MessageSujet: Re: a moth under the skin.   a moth under the skin. EmptyMer 9 Mai - 20:55

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Je laisse ma tête rouler sur mon bras étendu sur la table. Mon regard se perd à l’extérieur alors que des rayons de soleil éparses viennent caresser ma peau, me gardant éveillé alors que mon esprit est horriblement vide. J’ai essayé quelques minutes de m’accrocher à la voix grave du professeur qui débite à une rythme lent sa science. Mais l’ennuie me plonge dans une accalmie douce, proche du sommeil. J’ai promis d’être sage, d’écouter de mes deux oreilles à maman ce matin, seulement l’homme est faible, et souvent ses promesses ne résistent pas à la poussée de la nature. Et cette dernière me dicte que le repos est nécessaire pour ne pas entrer dans une nervosité angoissante dû à l’ennuie. J’hésite deux secondes en voyant ma boîte de pilules me faire de l’œil au fond de ma trousse. Ce ne serait vraiment pas raisonnable … Mais ai-je envie de l’être ? Pas vraiment. Je plonge ma main dans les méandres de ma trousse, pour en ressortir avec la petite boîte qui scintille un instant dans la clarté. Je jette un coup d’œil vers le devant de la classe et intercepte le regard du magister posé avec insistance sur l’objet du délit entre mes mains. Il sait. J’aurai pu encore me servir, faire valoir le besoin médicale, mais lui, il sait. Je regarde ailleurs, et remet la petite boîte à sa place d’origine, réfrénant avec peine une grimace. Sans rien demander, j’attrape le poignet de mon voisin qui eut un grognement mais se laissa faire. Encore une demi-heure d’après sa montre. Je lui fais un baisemain, pour me faire pardonner, pourtant je ne récolte qu’un regard noir. Je retourne à ma contemplation du ciel. Ca a l’air joli, là-bas.

Tandis que tout son devient léger murmure, je me plonge dans mon bruit intérieur. Je cherche à entendre mon pouls, crois l’entendre, puis le perds. Je m’y amuse plusieurs minutes, avant de m’en lasser. Mes yeux, autonomes, se fixent à nouveau sur le fond de la trousse, comme pour me narguer, simple mortel si facile à tenter. Et je reste bloquer, les minutes passant, n’attendant plus que la cloche sonne pour pouvoir m’emparer de son contenu. Mon esprit part dans une projection de l’avenir qui se déroule comme un film en noir et blanc sous mes yeux, fait de mouvements saccadés et d’images déformées. Il part si loin, qu’il n’apporte à mes sens que l’envie encore plus pressante d’avaler le cachet blanc. Ca devient nerveux. Envolé le Daphnis au sourire spontané et à l’attitude gamine, il ne reste plus qu’un amas de nerf qui attend sa dose. La cloche sonne, délivrance. Pourtant, l’obsession disparaît avec les dernières résonnances de la cloche. Comme si l’envie n’était rattachée qu’à la simple attente. Tous mes muscles un par un se dénouent lentement, et mon visage se décrispe pour faire apparaître une neutralité qui ne me va pas. Je range mes affaires sans dire un mot, et sors tout aussi silencieusement, de la classe, du lycée enfin.

J’inspire. Je me sens soulagé. Et je me rends compte alors que j’ai eu peur. J’ai eu peur de céder. Pour la première fois de ma vie. Je n’ose même pas mettre ma main dans ma poche, étant sûr d’y effleurer une autre de ces petites boîtes venimeuses et tentatrices. J’accélère le pas, je n’ai envie de parler à personne. Ca m’arrive si peu souvent, cet état de dénuement face à moi-même que je ne sais pas quoi faire pour me calmer. La boîte. La petite boîte. Juste là, si près de mes doigts. Je cours presque à travers les rues. J’atteins la porte de l’appartement sans heurt, la boîte toujours au fond de ma poche. La clé glisse seule dans la serrure, mon corps se meut seul jusqu’au canapé, où je m’étale, exténué. Exténué de quoi ? De ma course ? De cette journée de cours ? J’ai un rire nerveux, alors que je sens la sueur perlée sur mon front. Et là, elle apparaît, aussi grande que moi, trop fine sans doute, mais un visage dur. « Tu as pris tes pilules, Daphnis ? » J’ai la soudaine envie de lui cracher à la figure que ‘non, non, et plus jamais’. « Prends-les. » Elle reste là, au pied du canapé, son regard braqué sur moi, attendant. Elle ne partira pas avant que je ne fais selon sa volonté. A contre cœur, je plonge ma main dans ma poche, délivrant la petite boîte qui ne demandait qu’à sortir, l’ouvre, arrache l’un des cachets à ses frères et l’avale tout rond, les yeux dans les yeux avec la diablesse. Je souris presque désobligeamment, mais elle se détourne déjà. Elle a eu ce qu’elle voulait.

Je m’effondre à nouveau. Je n’en ai pas pris assez pour que ça tournoie autour de moi, ou que de jolies couleurs arrosent la peinture terne des murs du petit salon. Mais je reste avachi, attendant l’action de la pilule. Rien ne vient, bien sûr, tout cela est obsolète, juste pour son bon plaisir. Elle ne sait pas, elle, ce que c’est vraiment. J’hésite à en prendre une deuxième, pour que ce soit utile, au moins. Mais j’ai les membres engourdis. Le temps passe, encore. J’ai l’impression d’être un oiseau dans une cage. Une voix, en moi, se révolte. Je ne suis pas un chat de salon, bordel. Eh Daphnis ! Tu n’es pas une de ses limaces malodorantes. Je sors de mon demi-sommeil dévastateur pour reprendre par à ma propre réalité. Le soleil est déjà bas, et la pièce est soudainement trop sombre. Je grimace. Je me suis oublié pendant quelques minutes. J’ai été ce qu’elle attendait de moi. Je déteste ça. Je me relève, les deux pieds au sol, les mains déjà en train de fouiller partout pour retrouver mon cordon vers la société. Il est là, précieusement lové dans ma poche gauche. Je le sors avec frénésie, tape à toute vitesse sur les touches, fais des fautes monstrueuses mais envoie quand même. Plus qu’à attendre, encore.

Je l’entends alors qui essaye de me parler, mais aujourd’hui, je ne l’écouterai pas. Je me bouche les oreilles. Elle comprend, se tait. La mine sombre, elle parle plus fort, mais rien n’y fait. J’ai coupé la communication. Et elle continue, s’échine à se faire entendre, à recevoir une réponse. J’ai envie de rire, je me retiens. J’ai un certain respect pour elle. Un respect qui me vient de plus loin, un peu détérioré. Ce n’est sûrement pas celui que doit un fils à sa mère. Elle s’arrête, enfin. Elle a envie de me faire mal, ça se lit dans ses yeux. Mais elle se l’est promis, je crois, un jour, qu’elle n’en viendrait pas aux mains. D’où les pilules, pour m’atomiser. Doucement, j’enlève mes mains de mes oreilles, lui fais un sourire angélique. Il faut sortir maintenant. Maintenant. Par chance, j’ai toujours ma veste sur moi, j’attrape mon sac avec brusquerie et quitte la pièce, l’appartement, l’immeuble. Je laisse tout ça loin derrière. Je jette un coup d’œil au petit écran : elle n’a pas répondu, tant pis.

J’ai la mauvaise impression d’être à la poursuite de moi-même aujourd’hui. Je marche dans les rues, passant de l’une à l’autre sans réellement faire attention, plus à la recherche de mon ombre ce soir qu’une quelconque compagnie. Enfin, j’arrive devant une maison. Trop proprette à mon goût. Mais ce n’est pas tant ça qui m’importe que la personne qu’elle renferme dans ses quatre murs. J’entre, sans même sonner, de toute façon, il n’y a aucune lumière au rez-de-chaussée : cela veut bien dire une chose, elle est toute seule. Et ça m’arrange bien. Je monte les escaliers, sachant parfaitement où la trouver. Déjà, un sourire s’épanouit sur mes lèvres, et je me sens plus léger, plus dans mes habitudes peut-être. Ce n’est pas la première fois que je parcours ces couloirs. Il fait sombre dans la pièce, mais je sais qu’elle y est. « Ca t’arrive jamais, de répondre aux sms ? » Je la vois sursauter avec un plaisir non feint. Un instant, j’ai peur qu’elle ne m’est pas reconnue. Ca ne m’aurait même pas étonné, au fond, aujourd’hui, je ne me reconnais pas moi-même. Mais mon angoisse disparaît lorsqu’elle me sourit. « Ca t’arrive jamais, de sonner avant de me faire faire une crise cardiaque ? » J’ai même le droit à un baiser sur la joue. J’ai bien fait de venir, c’est sûr. Je lui fais un sourire insolent, avant de la contourner, prenant mes aises sur le lit. J’avise alors la boîte métallique qui trône fièrement sur le matelas. Avec beaucoup de cérémonie, j’ouvre triomphalement mon sac, en sortant une boîte pleine dont je déverse le contenu dans la boîte. « J’ai du hériter du sixième sens de ma mère. » J’oublie déjà toutes mes réticences, toutes mes inhibitions. Ici, pas de place pour les faux semblants. C’est un monde libre.

Et comme si c’était chez moi, ici, plus que dans l’appartement lugubre de ma mère, j’enlève enfin ma veste en un soupir, libéré, vraiment. « Tu mourras peut-être plus bête que moi en allant pas au lycée, mais bordel, j’ai cru que j’allais mourir d’ennuie aujourd’hui. » J’aime pas me plaindre. Mais j’avais envie de me détacher de mes soucis, et rien de mieux que de les exprimer. Je me rattrape en lui offrant un sourire. « Dis moi un truc qui fait rêver, Sissi, ou j’crois que j’vais faire des cauchemars cette nuit. » Je lui fais des yeux de chien battu, j’essaye de l’attendrir. De toute façon, je sais qu’avec elle on plane toujours à trois cent mille kilomètres au dessus de l’atmosphère.
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MessageSujet: Re: a moth under the skin.   a moth under the skin. EmptyLun 14 Mai - 20:41


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THE MUSES THEY'RE NOT WORTH YOURSELF
et cependant, je me découvris plein de songes. ils me vinrent sans bruit, comme des eaux de source, et je ne compris pas, tout d’abord, la douceur qui m’envahissait. il n’y eut point de voix, ni d’images, mais le sentiment d’une présence, d'une amitié très proche et déjà à demi devinée. puis, je compris et m’abandonnai, les yeux fermés, aux enchantements de ma mémoire. ◮ a. de saint-exupéry


Le matelas accueille la fine silhouette de Daphnis, encore moulée dans ces habits serrés qui lui vont pourtant si bien, et on croirait même que le creux au milieu est fait pour l’accueillir. La manière dont il s’approprie les lieux. Comme si sa place était ici, dans ce grenier, au milieu du dédale bordélique de mes délires artistiques, auxquels je lui fais prendre part avec délice. Et au fond, c’est pas tout à fait faux. Il est à sa place. Je le devine à la décontraction qui souffle sur son visage inconsciemment crispé, détendant ses épaules qu’il débarrasse d’une veste devenue trop lourde. Parce qu’ici, on plane. C’est mon monde, juste là, tout près du ciel et des étoiles qu’on voit par le vasistas. Ces étoiles qu’on attrape à pleines mains quand la boîte de métal danse entre nos doigts frénétiques, nous laissant un goût d’illicite dans la bouche. Je sais que sa mère le gave des pilules dont il vient de remplir généreusement mon écrin vide ; que quand elle le force, c’est le goût amer que ses papilles révulsent. Avec moi, c’est différent. C’est peut-être pour ça qu’il vient. Je suis sa porte de secours. Je fais pousser les ailes qu’il se cherche sans cesse, le propulse vers l’élévation. Peut-être, ouais. Peut-être que je suis qu’un moyen pour lui de se retrouver, d’être un peu sûr qu’il arrive encore à contrôler le fil de sa vie qu’elle tient entre les lames de ses gros ciseaux. Ou peut-être pas. Du moment qu’il est là, ça me va.

« Tu mourras peut-être plus bête que moi en allant pas au lycée, mais bordel, j’ai cru que j’allais mourir d’ennui aujourd’hui. » Je me mets à rire en repensant à mes journées de lycée. À ce las désœuvrement que me procurait l’élucubration incessante du professeur, semblable au bourdonnement d’une mouche grasse. Comment ils voulaient que je bouffe pas des pilules à longueur de journée ? À poser des brides sur mon imagination, à plonger dans le noir les yeux qui voient plus loin que le vrai, comment ils voulaient que j’essaye pas de retrouver l’infini des chemins, la route qui plonge dans le couchant, ne serait-ce que par procuration ? J’étais tout le temps défoncée. Droguée aux cachets. Faut dire que ma grande gueule n’arrangeait rien… quand ça me prenait, je me mettais à reprendre, corriger les dires de ces pourris qui prétendaient nous apprendre quelque chose, à les tourner de façon à ce que tous voient à quel point c’était évident, que ces conneries étaient vides de sens. Putain de société, pas vrai ? On nous colle dans les carcans qui arrangent les grands messieurs dans leurs salons lambrissés, on nous plante leur sale trompe dans la peau pour nous bourrer le crâne d'indéfinies futilités. J’étais allergique à tout ça. Parce que je savais que c’était purement, simplement, seulement vide de sens. Vain. Je voulais pas qu’on colle une note sur ma copie en même temps qu’une étiquette sur mon front, qui conditionnerait mes études, qui elles-mêmes conditionneraient ma vie. Je répugnais violemment à les entendre nous cogner le crâne de paroles creuses, de nous poser en acquis tous ces concepts bidons en prétendant que c’était ça, la vie. Putain de société. Des fois, j’aurais bien aimé vivre dans un bus paumé au fond de l’Alaska. Ne serait-ce que pour me rappeler ce que ça fait, de vivre. Ce sont les voyages, les expériences, qui font la vie. Sûrement pas l’école, cette blague. Au final, c’est trop bon, de plus avoir à y mettre les pieds. « J’t’ai déjà dit Daphnis : fais gaffe à toi, un jour ils te crèveront. Un jour, tu te rendras compte que les rêves que t’as dans la tête sont plus les tiens. Et ce jour-là, tu seras foutu, tu sais. » Je lui lance un sourire qui veut un peu dire : allez, fais comme moi, sors-toi de là ! mais j’ose pas trop l’inciter. Si y’a bien une chose que je ne supporte pas, c’est qu’on marche sur ma liberté, alors j’empiète pas trop sur la sienne. Même si j’essaye de le tirer de l’emprise de maman poule.

Je me hisse sur les genoux jusqu’à la platine où tourne toujours Mozart, enlève le vinyle. « Dis moi un truc qui fait rêver, Sissi, ou j’crois que j’vais faire des cauchemars cette nuit. » Je fais une moue boudeuse à entendre ce surnom ridicule dont il m’affuble, même si je ne veux pas dire que j’aime ça, qu’il m’appelle par un petit nom du genre. Je me tourne vers un petit meuble où j’ai rangé tous mes vieux disques, récupérés aux quatre coins du monde, invoqués de tant d’époques différentes. « J’ai le remède. » J’attrape un vinyle, le place religieusement sur la platine. Le diamant s’abat sur le cercle noir. Des grésillements chaleureux donnent un autre volume à la pièce – ce que ce son est magique… rien à voir avec celui des ordinateurs ou autres nouvelles technologies du genre. Puis les premières notes s’égrainent dans l’atmosphère, distillant un rythme entraînant qui occupe peu à peu tout l’espace. Un bon vieux rock des années cinquante, qui donne envie de danser comme dans les bals ricains, dans une robe pastel avec un joli col. « Pas possible d’en faire avec ça, » je lui dis en souriant, me hissant sur le matelas à son côté, mon invariable sourire sur les lèvres. J’attrape l’interrupteur qui pend de l’applique murale, et une lumière tamisée, accueillie par un cliquetis, se diffuse doucement dans le grenier. Et, comme ça m’est arrivé un sacré grand nombre de fois, je lui propose de rester. « Ils vont pas rentrer. Les cauchemars seront pas pour ce soir. »

Je m’empare de la petite boîte, l’ouvre. Les pilules glissent contre mon palet. Une, deux, trois. Ca devrait suffire pour égayer notre nuit de couleurs psychédéliques. Je me laisse tomber sur le dos, le regard divaguant contre le plafond. « La neige, ça fait rêver. Viens ! » Je pose une main sur son épaule et le tire en arrière, puis je tends un doigt au dessus de lui, comme pour désigner des flocons imaginaires. « Tu les vois, maintenant ? Ils glissent dans l’air comme s’ils voulaient défier la pesanteur. Ils sont libres. Y’en avait tout le temps, au Canada. Tu t’y habitues tellement vite qu’après t’as hâte de les sentir fondre contre ta peau. Et t’ouvres le bec comme un gamin. J’te jure, c’est comme si t’oubliais que le poids du monde presse tes épaules, et que t’avais déjà vécu tant d’années. » J’ai le regard émerveillé, comme si la neige y faisait valser des reflets miroitants. Pilules ou pas, quand je me mets à parler comme ça, pas de doute qu’on les voit, les choses que je décris. Tellement ma passion de vivre se distille dans des paroles au ton involontairement aguicheur. Je roule sur le côté et prends appui sur son torse, plongeant des yeux immenses dans les siens. « Paraît qu’on peut encore les voir, dans mon regard. Tu les vois ? » On pourrait croire beaucoup de choses, à nous voir dans une telle posture. Tant qu’on sait pas qu’on est tellement proches que ce genre de contact physique est parfaitement normal, entre nous. Tant qu’on sait pas que, de toutes façons, Daphnis est gay jusqu’au bout des ongles. On pourrait croire ça, ouais. Surtout si on entend comment mon cœur bat, quand il est là.

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Daphnis Walsh

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PSEUDO : caribou. - camille.

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MessageSujet: Re: a moth under the skin.   a moth under the skin. EmptyDim 27 Mai - 15:57

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Je pouffe un peu alors qu’elle grimace. Décidément, ce surnom a du mal à passer. Mais tant pis, je trouve que ça lui va bien, personnellement. Mais déjà elle cède à mon charme fou – douce ironie. Je la suis du regard, toujours écroulé sur le lit, pas près d’en bouger d’un seul millimètre. On est trop bien comme ça. Ses disques vinyles c’est comme un trésor : à la lumière du jour ils brillent et même sans ça, ils sont tellement lumineux. Je ferme les yeux. « J’ai le remède. » Cette fille, c’est Panacée réincarnée. Et déjà le doux son de ce vieux rock tout poussiéreux mais tout mélodique transcende la morosité du jour. Et déjà tout s’envole, toute cette lourdeur disgracieuse se dissout dans l’air. Je dandine de la tête, suivant le rythme avec plus ou moins de justesse, me laissant simplement enivré. « Pas possible d’en faire avec ça, » Je la regarde qui sourit, et j’ai envie de lui embrasser les pieds, d’en faire une idole. Je me contente de lui faire un sourire lumineux, avec une lueur reconnaissante dans les yeux. J’adore ce grenier. C’est sa tanière. Et comme pour en rendre vraiment l’atmosphère, elle baisse la lumière. On se croirait bientôt dans un petit boudoir enfumé. Un truc de drogué avec cette musique, cette lumière et cette boîte métallique sur le lit. Et moi, la limace. « Ils vont pas rentrer. Les cauchemars seront pas pour ce soir. » J’hoche de la tête, acceptant silencieusement l’invitation, comme d’habitude. J’ai pas envie de rentrer, de subir son regard, sa voix rauque, ses gestes nerveux. Cette femme, là-bas, si loin, un jour, elle aura ma peau. Mais pas ce soir.

Celsia s’empare des petites pilules blanches précieusement lovées dans la petite boîte. Je la vois les gober comme si c’était normal, comme si c’était sain, comme si c’était la délivrance. Et soudainement, je suis jaloux, alors qu’elle s’étale sur le matelas, près de moi, si libre et libérée. Je fronce le nez. Elle va tout de même pas me laisser tout seul dans ce monde de cons. Alors je fais comme elle, je m’empare de deux petites pilules blanches et j’ai juste le temps de les enfourner dans ma bouche qu’elle se met à divaguer si joliment. « La neige, ça fait rêver. Viens ! » Elle me tire en arrière, et je me laisse faire, tout proche d’elle. Je suis doigt, et soudain, je vois. « Tu les vois, maintenant ? Ils glissent dans l’air comme s’ils voulaient défier la pesanteur. Ils sont libres. Y’en avait tout le temps, au Canada. Tu t’y habitues tellement vite qu’après t’as hâte de les sentir fondre contre ta peau. Et t’ouvres le bec comme un gamin. J’te jure, c’est comme si t’oubliais que le poids du monde presse tes épaules, et que t’avais déjà vécu tant d’années. » J’hoche la tête, comme si je comprenais tout, comme si moi-même je ressentais cette neige venir fondre tout contre ma peau. Et là, juste sur ma joue, j’ai l’impression que la fraicheur d’un flocon m’effleure. J’en souris de toutes mes dents alors que la neige tombe sur nous doucement au rythme de sa voix si douce. Je me laisse guider dans ses souvenirs d’une blancheur immaculée. Je regarde intensément le plafond comme si tout ce souvenir s’y concentrait, juste là, au-dessus de nous.

Elle s’appuie sur ma poitrine, ses yeux dans les miens. Et on y plonge, et on s’y perd. On u voit tant de chose, des rêves cachés, des p’tits souvenirs, et des gros. Pas de peur. « Paraît qu’on peut encore les voir, dans mon regard. Tu les vois ? » J’fais mine de les chercher. Je fronce des sourcils, écarte ses cheveux pour mieux y voir. J’m’amuse à lui faire croire que non, j’y vois rien. Mais c’est faux. Dans ses yeux, on voit tout. J’écarte la paupière d’un de ses yeux, comme si ça pouvait m’aider à voir dedans. J’arrête de la maltraiter et j’enroule une de ses mèches autour de mon doigt. Je fais la moue. « J’préfère les pétales de cerisier. C’est pas mouillé, c’est tout rose, c’est tout doux, c’est tout fin. Ca te caresse la peau avec délicatesse. Comme une main. La main des gens amoureux. C’est comme la pluie sauf que c’est la pluie du printemps, celle qui embaume le cœur, qui te fait penser qu’y’a quelque chose, ici-bas, de trop magnifique. C’est comme si tu plongeais dans une féérie. Pas celle des contes. Celle du cœur. » Je veux jouer son jeu. J’veux être capable moi aussi, de faire voyager. Alors ouais, j’y connais rien moi à ce qui se fait en dehors de Derby, mais ça n’empêche rien. J’ai envie moi aussi de lui offrir du rêve, rien que ça. J’enroule une deuxième mèche de ses cheveux autour du même doigt. Elle a les cheveux tout doux.

De mon autre main, je caresse sa joue, comme pour lui montrer ce que ça fait un pétale de cerisier. « Tu sens ? C’est tout doux. » Je suis pas amoureux d’elle, pas comme on peut le croire en tout cas. Moi je l’aime d’un amour sincère, l’amour inébranlable des amis pour la vie. C’est moins passionnel, c’est moins gros, moins dévorant, mais ça reste beau. « Moi dans tes yeux, j’vois les flocons qui brillent par millier. Mais ils sont pas gelés, ils sont tout chauds, doux quand ils fondent sur la peau. Ils distillent leurs doux rêves dans la tête des gens. C’est pas du réconfort, c’est de la chaleur. » J’me trouve bien mélancolique. Ca me démoralise d’être cette larve qui regarde ses rêves comme s’ils étaient trop loin. Alors je détache mes doigts de ses cheveux, je me lève, la bousculant un peu, et avec la force de mes maigres petits bras, je la soulève. On est tout les deux, debout sur le matelas. J’enroule un de mes bras autour de sa taille et je nous fais danser au son de la musique de ce vieux rock. Mes mouvements sont désordonnés, mais la danse est là, dans chacun de mes nerfs, de mes muscles. « On est comme deux flocons d’neige qui dansent sur un vieux rock. Ou alors comme deux p’tales de cerisier qui se trémoussent dans les airs. » J’parle en image, je m’amuse à faire mon malin avec des paroles alambiquées. J’essaye d’être aussi bon qu’elle pour faire rêver. Mais c’est elle la reine du voyage.
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