Quand on vient au monde en foirant sa naissance, est ce qu'on condamne le reste ?« Félicitation, c'est un garçon ! ». C'était mal partit, malgré le sourire resplendissant de l'infirmière qui m'apportait vers les bras ouverts de ma mère qui elle, simulait beaucoup moins bien la joie. Quelle hypocrite celle là, elle n'avait qu'à avorter plutôt que d'avoir un enfant contre son gré ! Toutes ces conneries de bon Dieu et de châtiment divin elle n'y croit pas au fond, j'en suis persuadé. Enfin, me voilà maintenant, moi, Preston Elias Ward, juste âgé de quelques minutes, dans les bras d'une mère célibataire et totalement instable psychologiquement parlant.
« Preston, Preston réveille toi. » Ma mère me secoue comme si j'avais été un vulgaire sac, me sortant de mes rêveries de gosses en sursaut. Qu'est ce qu'il y a ? Le feu ? Elle a l'air paniquée et continu à me secouer pendant que je me met à pleurer, serrant mon ourson en peluche contre moi. Elle m'attrape la main me suppliant d'arrêter de pleurer, je fais trop de bruit, et il va nous entendre. Quoi ? Encore lui ? Il veut du mal à maman, et il a dit qu'il viendrait me chercher, m'emmener avec lui loin de la maison. Moi je veux pas, je veux pas quitter ma chambre, je veux pas quitter ma maman et mon ourson. Il était déjà venu la semaine dernière mais maman a réussi à courir plus vite que lui et on c'est caché dans le grenier. Elle tire sur ma main, me faisant presque tomber du lit et commence à courir hors de la maison. Je continue de pleurer, j'ai peur et j'ai laissé tomber ma peluche, je veux pas qu'il la prenne avec lui.
« Ne t'inquiète pas Preston, ce soir tout va s'arrêter et plus jamais il ne viendra nous embêter. » Elle continue de courir à travers les rues déserte du village, pieds nu frottant sur les gravillons. Elle a l'air d'un fantôme avec sa robe de chambre blanche et un enfant dans les bras. Elle finis par s'arrêter près de la mer, me posant sur le sable. Elle pose un genou par terre et m'ébouriffe les cheveux.
« C'est bon Preston, c'est fini, on va le vaincre tous les deux. » Elle se relève, me tend la main et marche en direction de la mer. Je l'entends murmurer un n'ai pas peur et elle continue d'avancer. Sa main est froide mais l'eau l'est encore plus. Les vagues me fouettent le visage, j'ai peur mais je n'ose pas lui dire, je comprends pas pourquoi elle m'emmène dans l'eau.
Lisye est devenue complétement folle. Essayer de se noyer, elle et son gamin, tu te rends compte ? [...] Ouais il est là, il dort encore. Il fait que ça, dormir, il parle même plus. […] Non, je vais pas le garder, ils vont bien finir par m'envoyer quelqu'un. […] Un foyer ou une famille, ils savent pas. […] Non, c'est sûr qu'elle était malade, heureusement qu'ils les ont sauvé tous les deux. […] Lysie a dit aux médecins qu'on la poursuivait, que c'était des créatures qui voulaient lui voler son fils. Je suis sûre que c'est la faute à William, la laisser comme ça, sans explication, ça l'a rendu folle. […] Non, j'ai pas goûté encore, mais c'est gentil d'avoir pensé à moi. Tu veux venir manger ce soir ? J'ai fais … Je me glisse un peu plus profondément dans la couverture, pour étouffer la voix rocailleuse de Vivienne, la voisine. Je m'étais retrouvé chez elle il y a deux jours, après être sortit de l'hôpital. Je ne me souviens pas vraiment de ce qui c'était passé la dernière nuit avec maman. Je me souviens juste des vagues, du froid … et de mon ourson qui a disparu. J'ai pas envie de rester chez Vivienne, ça sent mauvais avec tous ses chats. Je veux rentrer à la maison mais elle veut pas, elle veut que je reste dans mon lit alors que le miens est juste à côté. Et elle veut pas que je vois ma maman non plus.
24 décembre 2009Je claque la porte derrière moi, balançant mon sac de cours dans un coin de l'appart de ma nouvelle famille de substitution, en fond, l'éternel musique d'un groupe de ska, qui tourne 24h sur 24 dans chez les voisins. Je l'aime bien ma nouvelle famille, un couple de petits fonctionnaires qui ont en rien à foutre de moi et ne veulent que l'argent que L'état leur donne. Un peu d'argent de poche et ils me foutent la paix. On a chacun notre partie de la maison et tant qu'on se croise pas, tout va bien. Pareil pour les autres gamins sans parents qui séjournent ici. Le seul truc qui me fait chier, c'est qu'ils séparent filles et garçons, et que la p'tite polonaise, je me la ferais bien. Je débarque dans la cuisine, Robbie a les fesses posées contre l'évier, une bière à la main. Il me fait un signe de tête en m'en balançant une.
« T'as un mot. » Un mot ? Je penche la tête vers la table de la cuisine. En effet, il y a une petit enveloppe, je l'attrape. C'est écrit à la main.
« Aux chiottes Noël. ». Je l'ouvre et je lis :
« Baisons le père Noël ensemble. » C'est l'invitation au réveillon de Kim, une nouvelle pote de lycée. J'étouffe un rire en me sortant une clope et balançant l'invit' dans un coin. J'crois bien que Kim c'est la seule à me supporter, la seule qui est assez tarée pour même pas remarquer que je le suis aussi. Ou sinon elle avait envie de massacrer sa soirée de réveillon, au choix.
« T'sais qu'il y a des types au lycée qui racontent que t'es pédé ? » Je lève un sourcil, figeant mon regard sur Robbie qui se marre derrière sa bière. J'ai partagé le même lit que lui un temps, il s'en serait sûrement rendu compte si j'aimais les queues. Je vois même pas d'où la rumeur à pu partir.
« Sûrement un qui aimerait que j'le baise. » Je fais un clin d'oeil à mon frère de substitution, attrape l'invitation et me traîne jusqu'à ma chambre. Sur la porte, il y a un dessin bleu avec marqué
garçons en français. Je m'écroule sur le lit, clope toujours coincée entre les lèvres, et me lance dans une grande inspection du plafond blanc. Pourquoi ils pensent que je suis pédé ? C'est sûrement une nana que j'ai serré dans un bar, je devais être beaucoup trop bourré pour me rendre bander et elle a dû penser que je préférais les mecs. Fallait peut être mieux ça que de penser que j'étais impuissant non ? Mais merde, pourquoi ils pensent ça ? J'ai jamais touché un seul mec de ma vie. Ni même pu l'imaginer. Je me tourne sur le côté, fouillant dans la pile de tee shirts communs aux trois habitants de cette chambre un truc qui serait sympa pour le réveillon de Kim.
Il est un peu plus de vingt et une heure et je suis devant la maison de Kim, mains dans les poches de mon jean noir, casquette à l'envers braquée sur la tête, clope coincée sur le coin des lèvres. J'ai ramené Clay avec moi, mon deuxième compagnon de chambre, américain d'origine aux allures de gangsta. Il dit qu'il vient du Bronx, que c'était la merde là bas et que les anglais sont tous des branleurs. Moi j'pense juste qu'il vient du fin fond de l'Ecosse avec son accent de merde à couper au couteau.
« Allez 50 cents, on débarque, on fume ce qu'il y a à fumer, on baise qui il y a à baiser et on est rentré avant deux heures. » Il se marre et frappe à la porte de la petite maison. J'entends hurler j'arrive, et rien que la voix sur aigüe de Kim me donne envie de partir. Elle nous ouvre en posant ses lèvres rouges sur nos joues respectives. Hum, je l'attrape par la taille et referme la porte derrière moi. Clay part direct changer de musique, l'electro-sexy-sushi ça lui reste en travers de la gorge, ça lui donne des sueurs froides.
In da place. […] Une nana à ma gauche, une autre à ma droite, je suis plutôt bien entouré, de quoi être heureux. J'avale une gorgée de ma bière et scanne la salle du regard à la recherche d'une troisième à embarquer dans une chambre à l'étage. Plus on est de fous, plus on rit. Mais mon regard ce pose sur cet hybride, qui se planquerait presque derrière le pot de fleur s'il le pouvait. Un p'tit ange blanc aux cheveux bouclés. Je pousse le bras de la fille de droite qui se rapproche dangereusement de mon entre jambe et me traîne en direction du jeune éphèbe. La musique coupe et j'entends gueuler. Apparemment il y a un type qui veut mettre sa propre musique et qui en a marre de se taper celle de Clay qui le traite de pédale. Malgré ça, la musique recommence à se lancer, sur un air electronique.
NOIR DESIR ♣ VIVE LA FETE. Ouais, c'est sûrement une sacrée tarlouze à mettre ça en fond. Je m'arrête devant le blond, et lui crache la fumée au visage.
« Tu danses ? » Il hausse les sourcils mais fini par se lever, sans dire un mot. J'attrape sa main et on s'arrête en plein milieu du salon, éclairé par deux trois spots achetés chez Ikéa. Je commence à bouger des hanches, yeux dans les yeux avec le blond. Il se rapproche, me murmure son nom à l'oreille, Winni Fred. Je pose ma main derrière sa nuque et attire ses lèvres contre les miennes. Je sent les regards se tourner vers nous, j'entends les murmures troubler la voix de la chanteuse.
Sur le chemin du retour, personne ne parle. Clay à les mains dans les poches sa veste de sport, moi dans celles de mon jean. On s'éclaire grâce aux lampadaires et on laisse une traînée de fumée grisâtre de nos joints respectifs derrière nous. Il y a presque aucune voiture pour combler le silence et finalement, je le rompt.
« Qu'est ce t'as ? On t'a volé ta dernière croquette ? » Clay me répond pas tout de suite, comme s'il cherchait le moyen de me parler, les mots à dire. Il respire comme un bœuf et ça me dégoûte, parce que je sais très bien ce qu'il a en tête.
« Alors c'est vrai ? J'veux dire … qu't'es … Putain mec, ça me tue. » Je relève la tête, avec un sourire aigre sur les lèvres.
« Que quoi ? Que je suce des queues ? Faut croire que t'auras plus le monopole de la discrimination à la maison negro. ». Ca a pas l'air de le faire marrer. Ca va pas faire marrer Robbie non plus. Ouais j'aime les mecs … je crois que j'aime les mecs. C'est ce qu'ils disent, c'est ce qu'ils pensent alors ça doit être vrai. Parce qu'ils pensaient que j'aimais pas Marc aussi, et que Marc a fini à l'hôpital. Parce qu'ils pensaient que j'étais le plus grand des drogués et que maintenant j'enchaîne les rails de coke. Parce qu'ils pensaient que je couchais avec des femmes mariées et que ma prof de littérature a fini par m'ouvrir ses cuisses. Parce que Preston Elias Ward était devenu Paris Easton Wilshire, parce qu'il avait plus de famille, plus aucune attache. Parce qu'il avait été invisible trop longtemps, qu'on l'avait rejetté trop souvent et qu'il en avait perdu son identité.