Allongée sur le lit de mon homme, je regarde le plafond en me demandant pour la centième fois ce qui me pousse à rester avec lui alors que je sais parfaitement qu’il me prend trop pour acquis. Qu’il croit que j’vais rester sa bonniche pour le restant de nos jours et que j’vais passer outre toutes les conneries qu’il fait sans jamais lui imposer de limites ou de conséquences. J’regarde la bague à mon annuaire gauche et ma conscience me crie que c’est une erreur d’avoir accepté ça. Il a jamais été sérieux, il le sera jamais, alors pourquoi continuer de me battre et de tenter de nourrir mes sentiments pour lui en trouvant des excuses plus fausses les unes que les autres pour pas avoir à le quitter sans fournir une bonne explication… Je sors de ma rêverie quand j’entends son portable vibrer sur la table de chevet à côté de son lit. Je longe le bras et ouvre le nouveau texto qui vient de Jenna, une amie à lui, qu’il dit. « Bébé, c’était juste pour te dire que tu me manques et que j’ai hâte que tu dises à Alexyann que vous deux c’est fini. Appelle-moi quand elle s’en ira ». J’arque un sourcil. Jenna Boscovich, la salope blonde de mon cours d’anglais. Celle qui me salue tous les jours et qui se permet de se présenter sur le pas de ma porte quand bon lui semble ‘pour me rendre visite et savoir comment je vais’. J’devrais décerner une médaille à ce fils de pute pour m’avoir fait croire pendant des mois durant qu’il m’était fidèle et qu’il y avait que moi qui comptais parmi toutes les autres. J’aurais dû me douter depuis le soir où j’ai vu cette connasse sortir de chez lui en douce et qu’il m’avait sorti une excuse aussi bidon que cette bague. Cette bague que je regarde maintenant avec dégoût. « Lex ? » Il me regarde, tout sourire. Je me rhabille lentement, comme si de rien n’était, puis prends son portable et m’approche de lui. Jamais j’aurais cru pouvoir foutre une telle gifle à quelqu’un un jour, mais pourtant je l’ai fait sans le moindre regret. J’ai fait en sorte de le faire avec le dos de main gauche, qu’il puisse sentir la bague sur sa joue. « Mais t’es malade ?! » Oh, non, pire. Je la retire ensuite, cette cochonnerie, et la lance contre le mur. Je ramasse le reste de mes affaires qui traînaient et marche rapidement jusqu’à la porte d’entrée. « T’oublieras pas d’appeler, comment elle s’appelle déjà… Ah, ouais, Jenna. » C’sont les derniers mots que j’lui ai adressé avant de claquer la porte.

J’ai pleuré toutes les larmes qu’il m’était donné de pouvoir pleurer. Tout ça pour un salopard qui en valait pas la peine. Un imbécile qui croyait – et croit toujours – que le monde est à ses pieds. Un mec qui se disait que quoi qu’il fasse, il serait cool. Quand les gens ont su que je l’avais plaqué parce qu’il me trompait avec la pute du lycée, il a perdu son statut. Celui qui lui permettait de se taper toutes ces filles – dont plusieurs de mes amies (vive l’amitié) – et qui lui assurait un entourage ‘fidèle’. J’ai décidé de me venger, parce que j’en avais envie, que j’en avais les moyens et que j’allais pas me laisser humilier par lui. C’était simple, il fallait seulement que je me fasse ami-amie avec sa victime préférée. Un certain Ian McConnell. Un étudiant à part que tout le monde surnommait Yanyan et qui se faisait martyriser par mon ex et sa bande de chiens galeux. Je le regardais agir sans rien dire, parce que j’avais peur des répercussions que ça aurait eu sur mon couple, pourtant si j’avais su comment ça se passerait par la suite, j’aurais mis mon pied parterre bien plus tôt. « Ian, c’est ça ? » Il me regarde d’un drôle d’air. Comme si c’était étonnant que quelqu’un comme moi s’associe à quelqu’un comme lui. « Et tu es Alexyann. » Qu’il me répond, gêné. Je lui souris, ne sachant pas tellement quoi faire. Après tout, c’est la première fois que je lui adresse réellement la parole. « Si c’est pas trop demandé, tu pourrais me passer tes notes d’anglais ? J’ai perdu les miennes et je peux pas vraiment faire confiance aux autres élèves de la classe étant donné que la majorité d’entre eux ne les prennent pas. » Il acquiesce et me donne son adresse afin que je m’y rende. La première étape est passée, me reste plus qu’à continuer de jouer le jeu. Comme prévu, Ian me passe ses notes et je ne peux m’empêcher de m’intéresser à ce qu’il cache. Aller chez lui c’est bien, mais c’est pas ça qui va me mener à ce que je veux réellement. La rencontre suivante se fait chez moi, parce que je me sens plus à l’aise là et que ce sera plus facile de le faire craquer. Je me sers de la réserve d’alcool de mon beau-père, me disant que ça me sera utile, ce qui est le cas. Un verre, deux verres, puis trois, quatre, etc. Qui eut cru qu’à la fin de la soirée, Ian se retrouverait nu dans mon lit ?

Tout s’enchaîne rapidement par la suite, trop rapidement, ou pas assez dépendamment du point de vue des gens. « Alexyann, j’suis désolé. J’veux que tu me pardonnes, j’vais changer pour toi. J’te le promets, j’vais… » Je lui fais signe de se taire, parce que son baratin me fait rire aux éclats. Une fois calmée, je croise les bras et prends un air sérieux. Ce que je m’apprête à lui dire va lui foutre un sacré coup, surtout parce que je connais ses points faibles et que je sais comment le faire sentir comme un moins que rien. « Je sors avec Ian McConnell. Tu sais, le mec que tu t’amusais à rabaisser, torturer, humilier ? Lui… Et tu sais quoi ? Tout ce que tu sais faire, il le fait bien mieux que toi. » Je sens la rage, la colère, l’anxiété, le mépris et surtout la peine à travers le regard qu’il me lance l’instant d’après. Il prend quelques secondes pour encaisser le choc, analyser ce que je viens de lui dire et se casse sans un mot. « ARRÊTE… ARRÊTE, TU VAS LE TUER ! » Je tente tant bien que mal d’éloigner Drew d’Ian, mais ma tentative s’avère être un échec complet et total parce que je reçois une gifle en plein visage et rencontre le mur de béton le moment suivant. Sans réellement comprendre comment, à ma plus grande surprise, la situation dévie complètement. Ian est par-dessous Drew et lui fout la raclée de sa vie. Je souris intérieurement, malgré la peine que je ressens pour les coups que Drew lui a infligés quelques minutes auparavant. « Laisse-moi panser tes blessures. » Je me rends compte à cet instant que je me suis faite prendre à mon propre jeu. Ce qui était censé être une vengeance s’est transformé en quelque chose de complètement inattendu. Je réalise de suite que je suis réellement amoureuse d’Ian McConnell, que ces sentiments sont purs, vrais, et non imbibés de pitié. Puis, je tombe de haut parce que la réalité me frappe en plein visage : j’ai peur.

Deux ans… Ça fait deux ans que je suis littéralement la fille la plus comblée qui soit. Mes amies – mes vraies – se demandent encore pourquoi je suis avec Ian. Indirectement, elles me jalousent et je le sais. Je le vois quand il est là et qu’elles le regardent du coin de l’œil en parlant tout bas. Je me demande par moments comment il fait pour me supporter. Comment il fait pour ne pas avoir envie de me quitter quand je lui tape des crises de jalousie intenses. Comment il fait pour me dire que malgré tout, il m’aime et que je suis belle, que je suis la seule et qu’il me quittera jamais. « Tu sais, parfois j’ai l’impression qu’il a l’esprit ailleurs, ton mec. » Je comprends pas directement le sens de la phrase, mais je reste attentive au reste du discours qui va bientôt mettre ma relation en péril. « Tu te demandes pas ce qu’il fait quand il est pas avec toi et qu’il répond pas à tes messages ? » Je sais ce qu’il fait parce qu’il me le dit et qu’il n’est pas du genre à me mentir. « Si tu veux, je peux m’assurer de sa fidélité pour toi. » Je vois pas trop comment elle réussirait à faire ça. Ian me tromperait jamais… « J’aurais qu’à l’allumer et le bercer d’illusions. Ça te donnerait l’occasion d’en avoir le cœur net. » Je me suis laissée berner par ma meilleure amie. Celle avec qui je partageais tout. Ce qu’elle voulait réellement, c’était coucher avec lui pour nous briser. C’était la première à me dire que ça ne fonctionnerait pas, la première à dire des trucs malhonnêtes et à rabaisser tout ce qu’Ian faisait pour moi. Je l’ai crue, cette salope mal baisée, et maintenant tout ce qu’il me reste, ce sont des souvenirs qui me font plus mal de jour en jour. « Tu voulais ta liberté, maintenant tu l’as. Ce qui me tue c’est que t’as pas eu le courage de venir me voir pour me quitter. Non, fallait que t’envoies ton amie vers moi afin de me tester. Merci pour la confiance que tu m’as clairement accordée. » Je tremble, je pleure, je sais plus où me mettre. « Non, Ian attends ! » Il retire sa main de la mienne et me lance un dernier regard. « On a plus rien à se dire, toi et moi. » Je ne mange plus, je ne dors plus, je suis complètement lessivée. Dans un excès de folie, je me suis fait tatouée ses initiales, en espérant que s’il le voit il comprendra ce que je ressens réellement, mais j’en doute. En attendant, j’agis comme avant. Comme la petite garce pourrie gâtée que j’étais quand je pensais que Drew était l’homme de ma vie.