« CASEY ! RAMENE TON CUL TOUT DE SUITE ! » La voix de mon beau-père raisonne dans tout l'appartement, en faisant presque trembler les murs. Je le sens mal pour mon matricule pour le coup. Inspirant une nouvelle taffe sur ma clope, je lève ma carcasse du lit afin de jeter le mégot par la fenêtre et recrache la fumée d'entre mes lèvres avant d'ouvrir la porte de ma chambre. Quand le vieux gueule à s'en arracher les cordes vocales de cette façon là, c'est que ca va mal. Très mal. Plus je m'approche du salon et plus mon coeur bat à tout rompre. Je m'arrête contre le mur avant d'entrer dans la pièce, inspirant un grand coup. Mon beau-père hurle mon prénom une nouvelle fois, alors je prends mon courage à deux mains et décide enfin à montrer ma tête. Il est là, assis dans le canapé une bière dans la main gauche et un bout de papier dans la main droite. Il me jète un regard noir et agite la feuille sous mes yeux. « C'EST QUOI CA ?! » Mon bulletin de notes « J'sais pas. A toi d'me dire. » Hum. J'suis pas certaine que ce soit la meilleure réplique que j'ai trouvé pour le coup. « Joue pas à ca avec moi Casey parce que ca va chier ! » S'empresse de me répondre mon beau-père, ses joues devenant écarlates. Croisant les bras, je laisse échapper un soupire d'entre mes lèvres et jette un coup d'oeil à ma mère, affalée sur le fauteuil et le teint livide. Elle est en manque ca se voit. D'après ma grand-mère maternelle – tout du moins lorsque je la voyait encore – c'est mon beau-père qui a foutu ma mère dans cet état là. Etant donné que j'ai toujours connu ma mère prête à faire tout et n'importe quoi pour avoir un peu de dope, je ne pense pas que mon beau-père soit l'unique responsable de sa décente aux enfers. A vrai dire je crois que c'est moi la responsable de toute cette merde. Ma mère m'a eu tôt, beaucoup trop tôt. Elle s'était faite mettre en cloque par un type friqué qui n'avait même pas connaissance de mon existence, jusqu'à ce qu'elle décide à m'emmener de force devant sa grande baraque. Je devais avoir six ou sept ans à l'époque et je demandais sans arrêt qui était mon père. Normal puisque je voyais un défilé de bonhommes dans le taudis dans lequel nous vivions. Ce jour là je crois que ma mère a pété un câble. Non, c'est même certain en fait. D'ailleurs je m'en souviendrai toujours. C'était un dimanche et je jouais dans le salon avant que cette dernière ne m'attrape brutalement par le bras avant de me trainer - c'est à prendre au premier degré - dehors et me foutre dans la voiture. Je ne savais même pas où nous allions. Jusqu'au moment où j'ai vu ce grand type de mes propres yeux et les mots de ma mère qui raisonnaient sans cesse dans ma tête. « Le voilà ton père ! » Imaginez un peu le choc. Immédiatement je me suis mise à chialer, ne comprenant pas ce qu'il m'arrivait. Et puis m'a mère m'a hurlé dessus avant que l'on ne rebrousse chemin, laissant cette famille sous le choc elle aussi. Bref, pour en revenir aux problèmes de ma génitrice, à la limite, je m'en fou qu'elle se pique, ce qui me fait le plus chier c'est Hayley, ma petite soeur de dix ans. C'est pas facile pour elle de voir la bonne femme qui est censée s'occuper d'elle et l'aider à faire ses devoirs dans cet état là. Mon beau-père, c'est un ancien boxeur qui s'est fait suspendre parce qu'on a retrouvé de la dope dans ses urines. Quel bouffon. Ca va faire huit mois qu'il boxe plus, alors quand c'est pas sur ma mère qu'il s'entraine à taper, et bien c'est sur ma gueule. Mais bon, je préfère qu'il me cogne dessus plutot que sur ma frangine. Là je crois que je pèterais vraiment un cable. Quel connard. J'voudrais qu'il crève.

Le milieux scolaire n'était pas fait pour moi. Ou plutot je n'étais pas faite pour lui. Peu importe. Tout ca pour dire que j'étais loin d'être une élève modèle. Celle qui à peine entrée dans la classe, file tout droit au premier rang pour poser ses affaires. Celle qui obtient toujours les meilleurs résultats. Non, moi j'étais tout l'inverse. Le genre d'élève insupportable. On a tous eu un élément perturbateur dans la classe. Celui qui rend la vie impossible à tout le monde et qui n'en fou pas une tout au long de l'année, mais qui arrive tout de même - par je ne sais trop quel miracle - à passer dans la classe supérieure. Et bien moi je faisais partie de ce genre de personne. Moi ce que je préférais, c'était sécher les cours pour aller m'amuser avec ma bande de copains. On allait fumer un joint dans une une ruelle derrière le lycée, où bien nous allions poser nos fesses dans un centre commercial afin d'emmerder les gens. J'ai toujours vécu à Invidia et j'y resterais toute ma vie je pense. J'aime le dynamisme de cette ville qui ne dort jamais. Enfin, moi je ne vivais pas dans les quartiers huppés. Et je n'y vivrais surement jamais. Moi mon quartier c'est Pianta District. Je m'y sens bien dans ce quartier. C'est vrai que ca craint, on est toujours en galère. Même pour trouver un boulot il faut se plier en quatre. Ma mère me dit tout le temps que je vais moisir ici. Comme elle.

« Je suis enceinte. » Ce jour là, je m'en souviens comme si c'était hier. Stefan et moi étions assis tous les deux à la table d'un café. Nous étions ensemble depuis environ un an et jamais il nous était venu à l'idée d'avoir un bébé aussi tôt. C'était un accident. Un pur accident. La tête que j'avais fait en voyant le résultat affiché sur le test de grossesse le matin même. Dans les toilettes du lycée pour clore le tout. Face à cette nouvelle, le visage de mon petit-ami se crispe. Mon coeur bat la chamade et mes mains sont tremblantes. j'ai peur de sa réponse. « Je crois que nous deux c'est plus possible. » Sous le choc, je manque de m'étouffer « Pardon ?! » Stefan me lâche brusquement la main et me jette un regard presque mauvais « Tiens. Va avorter. » Dit-il en balançant deux cent dollars sur la table avant de quitter le café sans se retourner. Moi, je suis restée comme une idiote à chialer pendant trois heures. C'est le serveur qui m'a fait sortir parce qu'il devait fermer le café. Seulement je ne savais pas que le pire était à venir. Lorsque j'ai annoncé à mes parents que j'étais enceinte et que j'avais la ferme intention de le garder, ce fut l'apocalypse dans l'appartement. Mon beau-père entra dans une colère noire, brisant tout ce qui avait le malheur de se trouver sur son passage. Ma petite soeur se mis à pleurer sous les hurlements de mon beau-père, pendant que ma mère assistait à la scène sans dire le moindre mot. Je crois que je n'oublierais jamais cette scène : Mon beau-père attrapant une valise au dessus de l'armoire et la jetant à mes pieds, affirmant que j'avais cinq minutes pour quitter la maison. Mon monde s'écroulait complètement.

A l'époque j'avais dix-huit ans. J'ai squatté chez des amis le temps de me trouver un endroit où m'installer pour de bon. Mais enceinte et sans travail fixe, c'était presque mission impossible. J'ai rapidement pris conscience que je ne pouvais pas rester dans ce quartier à la con si je voulais m'en sortir. Mais bon, c'est plus facile à dire qu'à faire. Mon boulot de serveuse me permettait de me payer l'hotel de temps à autres ou bien de filer du fric à des potes qui me logeais. Les mois ont défilé à une vitesse affolante et mon bébé est venu au monde. Un petit Luka qui n'a malheureusement pas survécut à ses problèmes de coeur. Il avait un an. Surement le pire jour de toute ma vie. A coté de la perte de mon fils, tout ce que j'avais pu vivre avant c'était de la rigolade. je crois d'ailleurs que c'est à cause de ca que je suis partie encore plus en vrille. je me suis faite virer de mon boulot avant de commencer à fréquenter des types louches. Je ne sais pas exactement comment j'ai fait pour en arriver là mais j'y suis. A faire la pute et à me trimbaler à poils pour assouvir les pulsions de gros pervers. C'est la merde. Vraiment la merde. Finalement ma mère avait raison. J'vais finir comme elle. En pire même