Si je le vois encore avaler, une seule, une minuscule putain d'olive, je jure sur ma queue qu'il boira la flotte du bocal par le nez. Pas un mot, pas un son et encore moins une syllabe ne me parvient. Il ferme sa gueule avec un contentement sadique qui me fais moi, tourner en rond comme une chienne en chaleur mal castrée. Devant lui est délicatement posée une cuillère à café, en acier, légèrement usée sur le bord droit de la partie creuse. Il ne va pas tarder à échanger les couilles de lutins atrophiées pour dame petite cuillère. Et moi j'ai envie d'être une petite cuillère. Je rêve cuillère, je mange cuillère, je dors cuillère, je fantasme cuillère, je respire cuill... Non, bon. Pas jusque là. Inspirant un grand coup, je soupire donc avec la discrétion d'un enfant de cinq ans refusant d'admettre qu'il boude, et m'allume une troisième cigarette. J'ai mal à la tête, heureusement encore que la fenêtre est ouverte. Vu le lieu non seulement crade, mais exigue duquel on a fait notre niche, ça aurait vite fini en aquarium t'façons. Et vous avez déjà vu vous, des clebs survivre coincés dans un putain d'aquarium ? Ça se noie en jappant des bulles d'eau plein de merde goudronnées. Nous sommes bien d'accord. Je continu alors de cloper en ignorant mes neurones qui demandent grâce, bien trop contrarié et jaloux d'un bocal pour penser à ma santé. De toute façon j'arrive à la dernière bouffée rapidement et, en rejetant la fumée au plafond comme un défie au destin, je m'avance jusqu'à Harlem. “ J'm'ennuiie ! Tu me ferais pas un câlin dis ? Si tu veux j'me colle la cuillère sur le front, histoire de... ” Bien sûr l'entreprise est suicidaire et je termine étalé sur le carrelage, avec un futur bleu me torturant l'épaule et de la déception par paquet. Pourtant je rigole, je rigole parce que je sais que s'il me supportait vraiment pas, il me tordrait le cou. Et basta. Peut-être bien qu'il doute. Be or not to be ? Mais j'en ai rien à foutre, au fond, même si je sais que j'ai des genres de sentiments pour lui quoi. C'que je sais c'est que j'aime passer mon temps avec lui, que j'ai envie de lui. Les jeux dangereux normalement je fuis ça. Pourtant non, je recommence en m'accrochant à ses jambes. Je chouine, comme un chiot blessé, les yeux humides mais le sourire hilare faisant trembler invariablement mes lèvres. “ Va tu enfin me baiser putain ? ” Coquard. J'appellerai la SPA demain.