un portable à l'écran défoncé, des clopes, cinq briquets.
porte-monnaie, iPod et casque, une cahier et un stylo, un grinder, du bordel.
des pochons vides, bouteilles vides : un dépotoir. Et surement mon chat, qui tombera sur un buvard égaré, la boîte d'un cd de pink floyd. la vie.

« Et moi, j'imagine que je suis invincible. Éternelle. L'Alpha et l'Oméga. » † Les pas qui font le chemin en sens inverse, les graviers qui rappent le goudron, les lampadaires qui clignotent, le cœur vagabond. Un bâtiment délabré, les murs qui s'effritent à chaque seconde, on observe le temps qui passe, les secondes qui s'écoulent, les grains de sable du sablier et toutes ces conneries. Outre la lumière artificielle, c'est la lune qui colore les nuages et ses cheveux décolorés qui lui obscurcissent le regard. Le chemin entre les bagnoles, les trottoirs, les feux tricolores et les clochards se fait de tête, par cœur. Elle rejoint la liberté, virée de la tendre demeure familiale dégoulinante d'hypocrisie. Le croque-mitaine, il devrait faire son boulot et supprimer la dynastie. « Nico, t'es déjà revenue ? Ta p'tite maman a sentie l'odeur du squat et t'as pas voulu prendre de douche ? » Le regard qui se tourne vers le ciel, l'azur s'assombrit. « C'est la pleine lune, j'viens retrouver mes semblables. » Un rire vulgaire se fait entendre, et plus rien ne sortira de sa gorge que quelques sourires absents et d'la fumée âcre, mélange de froid et de cigarette. La p'tite maman a virée boucle d'or, la honte de la famille qu'on aurait du échangé à l'hôpital, la cadette non désirée, celle qui est revenue tatouée au bout de seize petites années. Et si boucle d'or avait su la sentence, elle aurait accompli la meilleure erreur de sa vie depuis longtemps : boucle d'or, si elle était pas végétarienne, elle boufferait les ours, en compagnie du croque-mitaine.

« - Devenir immortel et mourir. » † Red House de Hendrix résonne doucement dans l'atmosphère enfumée, deux silhouettes se dessinent au travers de la vitre sale du salon de tatouage, Big Ben sonne quatre coups dans la nuit, une odeur de marijuana chatouille les narines d'un jeune alcoolisé qui cherche son chemin. Il observe doucement la mélodie qui fait violence sur ses neurones et tente vainement d'entendre les personnes, avant de continuer dans le caniveau. Ces deux loups des steppes sont encore là, savourant leur dernier moment. « Nico, tu le sais, toi, que j'ai le cancer ? » Un cascade blonde qui ondule, un acquiescement de la part de la dénommée Nico, Nicotine. L'une des nombreuses substances qui lui pourrit le sang quotidiennement. Elle y pense bien, qu'elle a son buvard qui lui brûle la poche de la hanche. L'Éden édulcoré, une saturation des couleurs, putain elle le désire du fond du cœur. Elle entend le battement régulier entre ses oreilles, un rythme cardiaque sourd qui tamponne son cerveau, les couleurs s'effacent et elle a froid. Foutue synesthésie, elle se sait plus sensible, elle est sa propre faiblesse et même si ça la perche sur sa planète, c'est la toundra dans sa poitrine. Elle n'est pas bien. C'est son guide qui va partir, et elle devra reprendre de zéro pour trouver un putain de taff sans diplôme ayant comme seul référence son talent. « J'vais prendre la voiture ce soir, foncer dans le mur et stopper la maladie. J'ai déjà des vieux os, j'vais pas non plus me laisser pourrir. Ce que je veux te dire, c'est que tu vas hériter de tout ça, le salon, l'appart, tu fais ce que tu veux avec. T'es ce que j'ai qui s'apparente le plus à une gosse, je t'ai tout appris. D'accord ? » Nouvel acquiescement dans le silence, brisé par le solo du musicien. Les doigts de la princesse s'enfonce dans sa poche, tout sera fini ce soir, on arrache la page et on reprend. Elle, elle ne veut que sa belle tour d'ivoire, dormir cent ans et s'éveiller enfin reposée. L'enfer ne laisse pas de répit. Il se lève doucement, embrasse sa tempe et empoigne ses clés de voiture. « Prends soin de toi, dans la mesure du possible. » Il sourit, paisible. Elle sourit, ailleurs. « Pissenlit. » Sa façon de dire je t'aime. Il lui rend la pareille et observe une dernière fois la gamine et son salon, ce qui se rapproche le plus de ses bébés. Un veuf qui n'a pu se reconstruire, trop d'amour la tuer. Skyler se promet de ne refaire cette erreur, l'amour c'est dégoutant qu'elle pense naïvement. La porte claque et ça fait vibrer ces tripes, alors elle réalise : elle a oublié de lui demander à quelle heure il voulait qu'elle vienne travailler demain. Tant pis, elle arrivera à l'improviste pour le voir.


le lendemain, à dix heures et dix-sept minutes : « Quelqu'un ? (...) Ah. Ouais. Merde. » , et la belle est seule, alors elle ferme boutique et repeint le décor, le plafond, parce qu'elle plane plus haut que les étoiles. Alors elle peindra la supernova qu'elle habite, attendant patiemment l'explosion de chacun de ses atomes.