Rien. Juste un pendentif recouvert de gribouillis... De runes. Elle essaie de le dissimuler aux autres, elle a honte de sa babiole. C'est un porte bonheur offert par ma grand-mère.
Des vieux livres, un fusain et deux-trois feuilles, c'est tout ce dont j'ai besoin.
Rien, son pieu c'est un matelas par terre, tellement fin que si la moindre petite chose se glissait dessous, elle le sentirait.

Elle se lève ce matin. Il est tôt et le soleil est encore bas dans le ciel. Elle se lève, mais pourquoi? Personne ne l'attends, personne n'a besoin d'elle, encore moins en cette heure matinale. Elle enfile un pull, le printemps est frais ici. Elle sort et ferme la porte de son appartement, à double tour. Elle n'a rien que l'on pourrait lui envier, pas d'argent, pas d'objets de valeur, mais dans ce quartier, la moindre denrée peu attiré la convoitise. Elle regarde à gauche, à droite, personne. Personne dans la cage d'escalier, aucun bruit. Elle lâche enfin la poignée et se dirige sans un bruit vers l'ascenseur, se retournant sans cesse. Toujours personne, seulement le même silence. Elle descend, sors de l'immeuble, observe les passants. Une voiture aux vitres teintées est au bout de la rue, elle hésite. Avance, recule, avance à nouveau, s'arrête. La voiture a démarré, mais elle part dans la direction opposée. Sur ses gardes, elle poursuit sa route. Elle rejoint l'artère principale et alors sa poitrine se détend. Elle respire profondément, elle se sent plus à l'aise. Elle sort une clope de la poche de sa veste et l'allume d'une main tremblante. IL va arriver. Comme tous les matins, à la même heure, il va sortir et marcher jusqu'à la rue derrière la mairie. Il ne te regardera pas, Marlene, jamais il ne te regardera. Et si par malheur ses yeux se posent sur toi, son regard sera rempli de mépris. Cette voix, elle ne l'écoute pas. Elle se trompe. Cet homme, il l'aime, elle le sait, elle le sent. Il a seulement du mal à parler de ses sentiments, mais tout les signes sont là. Il fuit son regard, il n'ose pas l'affronter. Comme elle le comprend. Elle non plus, elle n'oserait jamais l'aborder. Elle le suivit, marchant à son allure sur le trottoir d'en face, sans jamais le quitter des yeux. Alors, plus rien n'avait d'importance dans ces moments-là, elle ne pensait plus aux autres, ni à cette voiture, ni à ces hommes qui rodent la nuit autour de son immeuble. Elle ne pensait qu'à lui, à eux, à leur avenir. La voix s'agaça, elle prit peur. « Tu n'es rien pour lui, tu es insignifiante. Rappelle-toi, ton père! Il te méprisait et il avait raison, tu ne vaux rien, tu ne vaux même pas trois cents. Personne ne t'a jamais aimé et personne ne t'aimera jamais. Surement pas un idiot qui abusera de toi une fois de plus, comme ton père l'a fait pendant des années. C'est ça que tu veux, salope? Réagis, détruis-le, détruis-les tous, putain. Ils cherchent qu'une chose, c'est gâcher ta vie et tu les laisses faire. Pauvre conne. » Marlene avait l'habitude, cette voix, elle était en elle. Elle en avait peur autant qu'elle l'aimait. C'est à cause -grâce- à elle qu'elle était ici maintenant. Elle l'avait aidé à se libérer de l'emprise de son père, mais parfois, elle prenait un peu trop d'elle, elle la contrôlait et elle se laissait porter par la violence qu'elle lui transmettait. De dépit, elle jeta de toute ses forces son poing dans le mur du bâtiment qu'elle longeait et fit demi-tour au pas de course, des larmes plein les yeux. Mais au fond, elle savait que cette fois, elle avait tort. Il l'aimait, c'était certain. Elle savait que leur amour finirait par les réunir, quoi qu'il en soit, quel que soit les chemins qu'ils prendront, ils sont destinés l'un à l'autre.