Putain d’soirée merdique. J’avais jamais vu ça, quoi. Une bande d’ados pré pubères qui s’prenaient pour des pornstars dans tous les recoins d’la maison. Et en plein milieu du salon, pourquoi pas. Y’avait des bouteilles de vin pisseux ouvertes partout, les quelques bouteilles de fort bien cachées dans un coin, hors de portée d’la fifille à maman qui fêtait ses seize ans. Bordel. J’me souviens même pas pourquoi j’étais là. En fait, j’connaissais même pas la meuf. J’étais au fond d’un canapé en train de mater le plafond, les pieds sur l’accoudoir, quand j’ai décidé d’me barrer. Faut pas pousser, j’allais pas rester là toute la nuit à écouter les bruits d’ventouse des mioches étalés par terre qui essayaient de reproduire c’qu’ils avaient vu sur les sites pornos d’leur papa. J’me suis relevée et j’ai ajusté ma jupe. Et j’l’ai vu. On s’est r’gardés au même moment j’crois. L’même air ennuyé sur la gueule. J’me suis posée sur le bras du fauteuil pour l’observer. Pt’être que j’avais pas complètement perdu ma soirée, finalement. Sans équivoque, j’lui ai j’té un regard et j’suis partie à la cuisine, où j’me suis hissée sur le comptoir. J’l’ai vu arriver, j’ai sorti mon paquet et j’ai allumé une clope. Il m’a fait signe de faire tourner.

« J’partage pas avec les inconnus. »
« Cliff. »
« Vega. »

J’ai pris une taffe, lentement, délibérément. Mon pied est allé s’loger entre ses jambes, le bout appuyant contre ses fesses, et j’l’ai tiré vers moi. Il a tendu la main vers la clope, que j’ai r’culée en souriant. J’l’aimais bien c’type. Il comprenait tout, tout d’suite. Ses doigts ont glissé sur mes genoux et sous ma jupe, et il est v’nu se placer entre mes jambes. J’me suis penchée, et j’ai soufflé la fumée entre ses lèvres, en les frôlant au passage.

« T’sais Cliff… j’m’ennuie. »

J’ai passé la langue sur ses lèvres. Mes cuisses ont resserré leur emprise sur ses hanches. J’ai repris une taffe, j’l’ai soufflée vers lui. J’me suis reculée, en gardant ma prise sur son bassin. Appuyée sur une main, j’ai porté la clope à sa bouche, en caressant ses lèvres du bout des doigts par la même occasion. Putain, qu’est-ce que j’avais envie d’les mordre… Mais j’ai mordu la mienne. Ça f’sait mal, cette sensation d’vouloir, de craving. Qu’est-ce que c’était bon. Encore plus pt’être que d’le faire. L’anticipation, l’estomac qui s’tord violemment, l’envie. Mais on s’est rendus jusqu’au filtre d'la cigarette. Et j'avais pas envie d'le jeter, Cliff. J’ai immobilisé ses mains sous les miennes, sur mes cuisses, et j’l’ai embrassé... enfin. Et j’l’ai mordu. J’ai coincé sa lèvre inférieure entre mes dents. J’l’ai entendu grogner doucement.

« Fais-moi mal, Cliff… »

Des enfants qui jouent aux adultes, rien qu’ça. On fume, on boit, on baise. Un genre de trip sadomasochiste. Il me gifle, j’le frappe. On se mord, il me tire les cheveux. Ça fait mal mais… c’est bon. Douleur et plaisir ensemble. On réprime nos soupirs, nos gémissements. On s’affronte. C’est un combat, lui et moi. Et personne voit rien. Comme si on s’aimait pas, ou qu’on s’connaissait pas trop. Alors que quand j’le r’garde, j’pense juste à l’emmener dans les toilettes. J’l’imagine me plaquer sur le mur, me mordre le cou et m’chuchoter des obscénités à l’oreille. Putain. J’ai jamais eu une telle envie d’blesser quelqu’un et d’l’embrasser à la fois. D’le garder entre mes cuisses et d’le repousser l’plus loin que j’peux. J’comprends pas, mais j’cherche pas non plus en fait. Ou pt'être que j'sais. Cliff, il est différent. Il essaie pas d'prendre son pied et d'se casser. En fait ouais mais... avec lui j'sens quelque chose. La douleur. Avec les autres connards d'la ville, c'est tout pareil. « T'es bonne » oui, je sais. J'te chauffe, on baise, bonsoir. Cliff c'est une habitude mais pas tant qu'ça. Et puis avec d'l'ecsta en même temps... c'est indescriptible.

Quelque part, j'le déteste. J'déteste les mecs comme lui, qui s'croient forts et qui s'croient tout permis. Comme si piquer son iPod à un gamin de douze ans c'était gratifiant, quoi. Et en même temps, j'en ai rien à foutre de le voir intimider c'pauvre gosse qui lui a rien fait. Parce que pendant qu'le mioche s'enfuit, sa PSP en moins, j'sais déjà c'qui va arriver. J'le baffe, ce p'tit con. Et il me plaque sur le mur vite fait, la joue contre la brique râpeuse. Il me balade une main sur les fesses, et j'sens la rébellion fondre comme neige au soleil. C'pas pour ça que j'vais me laisser faire, et j'le lui fais bien savoir, même si tous les deux ont sait comment ça va finir. C'est rien qu'un jeu. Un jeu pervers, un jeu malsain. C'est sale, c'est tabou. C'est pour ça qu'j'aime tellement lorsqu'il me frappe, lorsqu'il m'insulte. Parce que c'est pas l'ordre établi, parce que je ressens plus que le mec moyen qui tire son coup vite fait bien fait. Il déboutonne mon jean en tenant mes poignets au-dessus de ma tête. Salaud. Il triche, il... c'est pas du jeu. Il glisse sa main dans mon jean. J'le lui rendrai, ça. Je soupire. Il me gifle. Les mains libres, je m'agrippe au devant de son t-shirt. Ta gueule, Vega. J'me mords la lèvre, la tête rejetée vers l'arrière. Merde. J'me prends une gifle dès que j'échappe un son. Il va m'le payer cet enculé. J'baisse son jean, son boxer, et j'me retrouve rapidement avec le pantalon aux chevilles. J'le rate pas, cette fois. J'lui mords la lèvre jusqu'au sang. J'lui laisse des marques de dents violacées sur les épaules. J'le griffe dans le dos. Et lorsqu'il me salope les cuisses, j'le frappe. La prochaine fois, ce s'ra mon tour, et il aura pas son mot à dire. J'vais finir par avoir le dessus. Il aura qu'à serrer les dents et prendre les coups.