Salem, ma douce hippie, cette magnétique fillette, ensorcelante et ensorcelée. Après mes retrouvailles avec mon Noé, qui s'étaient, hum, plutôt bien déroulées (le joint délie les langues et les corps, dans commentaires), j'appréhendais de revoir mon amie Salem. De même, je l'avais quittée avec pour seule justification un mot griffonné à la va-vite. "Je tente ma chance aux USA. Love u. Dabby" Mes mains tremblaient et je jurait contre ma clope, mes doux tremblements incontrôlés faisait chanceler la pâle flamme s'élevant de mon briquet niqué. L'angoisse. Ma faible présence se dessinait derrière les volutes de fumées réconfortantes. T-shirt ringard et jean trouées, valises violettes sous les yeux, cheveux ternes et emmêlés. L'image interne de mon corps répugnant s'imposait à mon esprit, impossible de la défaire. Comme un déchet, une beauté fanée. Qualifiez moi de névrosée. J'étais là, impatiente, stressée, à guetter l'arrivée de cette jolie créature idéalisée. Ouais, elle est comme ça Salem. Toujours à se faire attendre, à préparer son entrée en scène, comme une théatralisation de sa petite vie misérable. Ça me rabaisse, mais elle ne le fait pas exprès. C'est vrai, je ne fais que me sous-estimer, ma confiance en moi est nulle. Et elle, elle respire la grâce, une beauté atypique, une philosophie de vie tellement ouverte, libertine. Pas une constante prise de tête. Ma vie se résume à ça. Une prise de tête gigantesque, un brouillard incertain; je mélange tout, ma vie, mon job. Mes petits bonheurs côtoient mes emmerdes, mes catastrophes, mes embrouilles. Fini de philosopher. J'aperçois une silhouette singulière, et tente d'afficher un sourire convaincu. On dirait seulement une idiote gênée. Va falloir mettre de la volonté face à mes souvenirs refoulés. Donner une meilleure image de moi à cette amie oubliée. Conviction & assurance.
" Hé, ma puce !" Et voilà qu'elle me sert dans ses bras, une étreinte fragile mais chaleureuse. Première peur dépassée, son accueil est loin d'être glacial. Elle relâche son etreintre et prend mes mains dans les siennes. Mes mains écorchés et glaciales, les siennes graciles et pleine d'une chaleur humaine. On s'observe pendant quelques secondes. Et je vois bien qu'elle est sous l'effet de la drogue. Salem a toujours été une junkie. Sa grand-mère et ses remèdes à base de plantes euphorisantes aux effets notoires. La tête et le corps mis à mal lors de soirées underground. Je la connais, et ouais, elle a pas changée. Son visage possède encore cette beauté spécifique aux jeunes filles dans leur période d'apogée, due à une prise de produits illicites encore raisonnables. Comme une métaphore de la timide violette qui devient terrible rose, avant d'achever sa décente folle, fanée jusqu'à la moelle. Mais pour le moment, elle est affreusement attirante. Une beauté puissante, sans aucun doute ravageante. Une once de jalousie m'empare doucement. Mais son sourire est comme un baume sur mes douloureuses peines. "Oh, tu m'as manquée !" Et la nostalgie m'emporte...
Prostituée aguerrie cherche apprentie pour cours de tapinage. DABBY&SALEM