Tic tac boom. Je redresse légèrement la manche de ma veste, jetant un coup d'œil furtif aux aiguilles de ma montre. Pas un soupir, pas une seule parole ni geste depuis une bonne demie heure, je reste les jambes croisées sur ma chaise, le pied battant une mesure imaginaire, lente, à mesure que les secondes défilent. Dans la semi pénombre qu'offre les sous sol d'une baraque récente, d'un mauvais goût au possible, trop nouveau riche à mon goût, j'patiente, fixant sans ciller les deux corps qui s'étendent en face de moi, gueule sur l'asphalte, bouches entre ouvertes, yeux clos. Vu la corpulence du type de droite, il devrait se réveiller d'ici une minute ou deux. Le chloroforme est peu utilisé. Pourtant, il a cet avantage de disparaître rapidement, sans laisser de traces dans l'organisme. Ou de manière infime. Nouveau battement de talon. Vendus dans quelques pharmacies, celle que mon père possédait, à l'Est s'était faite braquer il y a quatre jours. Intrusion de nuit, serrure crocheté, alarme désactivée, la police avait annoncé son verdict avant même de mettre les pieds sur la scène du crime. Junkies notoires, à la recherche de narcotiques. T shirt froissé, en boule à côté du premier corps, la bouteille vermeille trône à côté, se vidant légèrement du reste de produit. Putains de junkies, prêt à acheter n'importe quoi pour peu qu'ils quittent cette terre. La pensée me fait crisper la mâchoire. Des imbéciles, ni plus ni moins. Le premier bouge, laisse échapper une plainte. Encore trop faible pour se lever, ou même se mettre à genoux, je le regarde contracter légèrement ses doigts tremblant. J'attends quelques secondes, un nouveau gémissement, pour me redresser. Veste enlevée, reposée avec soin sur le dos de la chaise, j'avance vers le premier type, m'accroupis à ses côtés. « Ne bouge pas trop, tes membres sont encore trop engourdis, tu ne fais qu'accentuer le processus. » Voix calme, prononcée dans un demi murmure, je glisse un gant sur ma main gauche, attrapant le flingue coincé près de ma hanche. « Vous, les connards de junkies, vous ne comprenez rien à rien. Trop tournés vers votre propre défonce, tout ce que vous pouvez produire ne rime à rien. Les animaux sont fait pour consommer, pas créer. » Je passe le bout de ma langue sur ma lèvre inférieure, relevant la main quasi inerte du mec pour placer le flingue entre sa main, placer l'index posé sur la gâchette. « Comprends, ça se voit dans vos produits que toi et ton ami êtes complétement faits. Vous dépassez le plaisir de la simple défonce pour entrer dans un autre monde. Le mien. Malheureusement, je n'aime pas que quelqu'un vienne pisser sur mon territoire.» Il se plaint, sa main tremble encore, comme s'il voulait balancer le flingue, ou écarter la pression exercée. Arme pointée en direction du camé toujours dans les vapes à côté, le bang se fait entendre, un autre encore. « Tu n'as qu'à voir cet acte comme la sélection naturelle. Le plus fort gagne toujours. » Flingue maintenant tourné dans sa direction, posé sur son front. Détonation.
Scène nettoyée de mes emprunte, ou d'une quelconque visite d'un tiers, je dégage de la maison, regagne ma voiture garée dans la rue adjacente. Clés sur le contact, je reste quelques secondes une main sur le volant, l'autre cherchant une station potable. La radio scande A horse with no name et je me met enfin en route. […] Sélection naturelle au sein de la jungle urbaine. Les pensées en viennent à se bousculer, dans un ordre déraisonné quand je claque la porte d'entrée de ma maison. Clés, portable, paquet de clopes balancés sur la table de la cuisine, je passe une main sur ma nuque en fermant quelques secondes les paupières. Bâtards de junkies, et une journée de gâchée. Je grimpe les escaliers de l'étage, débarque de ma chambre sans grand bruit, jette ma veste sur le matelas. Likka reste étendu sous la couette, et je m'engouffre dans un néant sans nom. La loi du plus fort s'applique jusque dans mon lit. Connasse de destinée. « Barre toi de cette maison. » craché entre ma mâchoire crispée. Je me penche vers l'avant, pour ramasser son t shirt posé sur le sol. Le temps reste en suspens quelques secondes, et je finis par lui balancer. « Tu me lasses. »
Likka Kļaviņš
PSEUDO : soft parade.
Sujet: Re: My baby shot me down Jeu 5 Jan - 21:28
Fait chier. Réveil en sursaut, je tends le bras vers la table de chevet, regarde l’heure sur le portable, quatre heures du matin, j’me laisse basculer sur le dos, une main sur le front, à soupirer. Gitane rapidement coincée entre les lèvres et allumée, j’tourne les yeux vers la droite, sourire, Indy dort comme un putain de bébé. Connard. Je me demande comment il fait. Je n’ai jamais réussi à passer une nuit correcte. J’lui fous un coup de coude « Indy ? », aucune réaction, mis à part un grognement/gémissement, j’hausse un sourcil, avant de pouffer de rire. On a beau dire, on a beau faire, après avoir passé des années dans le même lit, Indy, notre fabuleux sociopathe, a toujours pioncé comme un môme. Un vrai gamin, un putain de chanceux. Je crache la fumée vers lui, « Indy ? », nouvel échec. Merde. Pour une fois que je n’aurais pas été contre une partie de jambes en l’air. Tant pis. Je n’ai plus qu’à terminer cette fichue clope et tenter de rejoindre Morphée. Ce satané sommeil. La fumée valse, s’évapore dans les pénombres de la pièce, et disparaît. C’est ennuyeux. Fade. Répétitif. Habituel. Tout semble sans vie dans le noir. Sans intérêt, goût. Y’a juste Indy qui dort, avec son torse qui se soulève doucement, sa tête légèrement basculée sur le côté, son fichu air serein. J’me redresse, écrase ma cigarette dans le cendrier, tire la couette, car ouais, j’me les gèle. Carcasse installée sur le côté, j’scrute deux secondes Indy, pose ma joue sur son torse en l’encadrant d’un bras. Baiser déposé contre son épaule, en vain. Fatalement, je n’ai pas envie de rester, là, trois plombes à prier dieu ou que sais-je, afin que j’dégage en direction des rêves, cauchemars, et autres étrangetés de l’esprit. Sortir Indy de ses fantaisies nocturnes. Comment ? Telle est la connasse de question. J’me redresse, m'assieds sur lui, une jambe de chaque côté, l'observe attentivement de haut en bas, trace une ligne imaginaire avec les yeux, de son cou jusqu'à son nombril, tout en pianotant son bas-ventre avec mes doigts. La scène m'arrache un sourire. Le climat est calme, délicat, agréable. Enfermés dans la chambre comme si elle s'avérait être un bunker, capable de nous protéger de tous les monstres matérialisés, qui patientent dehors, à l'affût du moindre égarement. L'illusion de la sécurité. De la vie. Je me penche vers l'avant, embrasse son cou quelques secondes, j'sens sa main parcourir mon dos, s'agripper à mon omoplate.
Le soleil impose ses putains de rayons, et j'grogne en me réveillant. Quelle horreur. J'passe un bras derrière moi, tâte inutilement le matelas, Indy s'est cassé. Génial. Qu'est-ce que je vais Diable pouvoir foutre pendant ce temps ? Peut-être dégager. Partir errer çà et là. Non. Pas le courage. Ni même pour sortir du pieu. Sur le dos, j'attends connement. Embrase connement une cigarette. Le geste mécanique. Devenu instinctif, avec toutes ces années à narguer le cancer des poumons. Soupir. Le temps file lentement, trop lentement. Il semble s'être arrêté. Comme condamné à attendre éternellement. Je fronce les sourcils en me demandant ce qu'Indy peut être en train de faire. Des idées aussi absurdes les unes que les autres s'enchaînent. Et par exemple, visualiser Indy chantant gaiement à la chorale des Saintes-Mères, entouré de vielles salopes faussement chastes, qui l'aduleraient et organiseraient un adorable commando-baise pour le violer, me fait doucement marrer. Surtout qu'il chante faux. Bref. J'roule des yeux, fixe le plafond, soupir à nouveau. J'ai l'impression d'être dans une vielle série américaine, avec les rires ô combien désagréables en fond sonore à chaque scène apparemment drôle. Le pauvre mec qui cherche, en vain, une occupation pour patienter, et se retrouve donc à faire tout et n'importe quoi. Éclats de rire, et les imbéciles heureux sont pliés sur leurs canapés. Bande de connards. J'écrase ma clope, m'installe sur le côté, appuie ma tête contre l'oreiller en serrant la couverture, puis ferme les paupières. (...) La porte claque en bas. Je crois que j'ai dû m'assoupir une heure ou deux, j'en sais trop rien. J'entends Indy grimper les escaliers, putain, j'suis à l'ouest. Parfaitement dans le brouillard. J'bouge pas, n'ouvre même pas les paupières, merde. « Barre toi de cette maison. » Je mords nerveusement ma lèvre inférieure. Indy pète un câble. Ça, par contre, ce putain de comportement, il brise la routine, c'est certain. Indy n'est pas homme à extérioriser sa colère. Ou quoi que ce soit d'autre, d'ailleurs. Le type qui fait chier, beugle, explose tel une bombe nucléaire, c'est moi en général. Vas-y, c'est quoi le problème ? J'me redresse, en tailleur, détaille Indy d'un air perplexe. Tee-shirt reçu en pleine gueule, merci, le plaisir fut pour moi. BÂTARD. « Tu me lasses. » Immédiatement, une étrange douleur me transperce. Vague d'incompréhension, mépris, et tristesse. L'impression de n'avoir été qu'un jouet, jouet qui dès qu'il ennuie son propriétaire, ce dernier le jette, l'abandonne sans regret. Propriétaire lassé. Fait chier. Faut prendre du recul et relativiser. Je dois surement exagérer la situation. C'est pas possible. C'est pas compréhensible, surtout. Qu'est-ce qu'il lui prend, bordel ? Je pressens l'apocalypse, ça sent mauvais. Gitane entre les lèvres, j'crache la fumée en ligne droite, regard bas, avant de pouffer de rire. « Je constate que je ne suis pas le seul à ne pas avoir pris mon pied hier soir. » Phrase conne, réplique conne. D'une logique imparable. J'balance mon tee-shirt sur lui. Je ne partirai pas. Pas de dans ces circonstances. Pas sans explication.
Indy K. Bernstein
PSEUDO : POLTERGEIST
Sujet: Re: My baby shot me down Ven 6 Jan - 11:59
Le jeu semble avoir assez duré. Continuer à s'enfermer dans la ronde des habitudes, prétendre que le problème n'existe pas, est absent a assez duré. C'est une histoire à se rendre dingue, à me rendre dingue. Les choses sont ce qu'elles sont ; quelques, comme la main de Dieu, avait décidé que l'heure fatidique serait avancée de quelques années. Cela ne servait à rien de combler la peur par le vide du quotidien. La simple présence de Likka, les conversations habituelles me brisent chaque jour un peu plus. Il faut agir, et comme celui qui tient l'arme ne semble pas en mesure de bouger, j'avance le premier pion. A son tour après, de faire échec au roi. C'est une ronde infernale, j'ai l'impression d'exploser. Pression matinale, en allant flinguer deux ennemis. Rituel encore une fois, je ne laisserais personne empiéter sur mes plates bandes jusqu'à la fin de la magie. Mauvais timing pour ces deux pauvres junkies. Quelques jours de plus et bang, le marché s'offrait à eux comme une putain écartant ses cuisses décharnées. Arrivée dans la chambre, mes tempes bourdonnent, il faut abandonner toute illusion, exterminer tout forme de rêve, agir avec la logique du condamné jusqu'à l'overdose létale. Forme de courage sûrement, j'me place comme le coupable sur le champ de tir, bandeau refusé pour regarder en face le canon pointé sur mon foutu crâne. Se cacher au grand jour, avec le point rouge visé sur le torse. Aucun signe, regard doux quand je rentre dans la chambre. Likka semble sortir d'un demi sommeil, encore à moitié plongé dans les bras de Morphée. Ça me crève, ça me bouffe totalement de ne pas simplement ôter mon t shirt pour me poser à côté de lui, et continuer la nuit entravée par le boulot de ce matin. C'est fini maintenant, il faut savoir tourner la page. Ou l'arracher d'un coup sec. Le passé, nous l'avons tué, écrasé d'un coup de talon par trop de vanité. Grandeur et décadence, le nouveau Icare du monde moderne, les ailes en ferraille rongées par le Soleil. Première injonction balancée. Vire de chez moi, décampe. Prends toutes tes affaires et ne reviens jamais plus ici. Likka ne devra plus être qu'un fantôme dans les pièces de cette maison.
Moment de bug, latent. Je reste debout, face à lui, à le fixer sans une once de compassion, quelque émotion. Mine fermée et regard froid, je n'accepte même pas le tic nerveux de mordiller ma lèvre inférieure, jouer avec mes mains pour évacuer le début de pression. Glacé comme une pierre, le trou béant des sentiments, en chute libre derrière le masque. « Je constate que je ne suis pas le seul à ne pas avoir pris mon pied hier soir. » Enfoiré. La nervosité montre d'un cran, attisé par le pique balancé. « Quand on n'est bon qu'à prendre son pieds avec les putes de la ville... » J'attends, encore. J'laisse le temps filer en l'observant l'espace de quelques secondes. C'est un mal nécessaire. Ce type qui l'a engagé viendrait forcément par apprendre que Likka ne remplis pas son boulot. Et ce genre de personne crache sur la charité chrétienne, la bonté de cœur et toutes les autres valeurs possibles. Quitte à ce que le sang coule, qu'une seule et unique balle soit tirée. « J'ai toujours trouvé ça d'un pathétique. Essayer de te traîner vers le fond de toutes les manières possibles. Mes félicitations, ta gueule traîne sur le bitume. » Sourcil légèrement arqué, je lui tourne le dos quelques secondes pour attraper mon paquet de clope, en déloger une pour la glisser entre mes lèvres. « Tu n'es plus le bienvenue ici. » Fumée recrachée dans sa direction, je reste sur le même ton calme tout le long. « Je n'ai pas à rester avec les chiens galeux. Au revoir Ana. » A ton tour.
Likka Kļaviņš
PSEUDO : soft parade.
Sujet: Re: My baby shot me down Ven 6 Jan - 12:27
Je ne comprends pas. Je suppose que la matrice bug. Je reste sur le lit, à le fixer, en vain. Cherchant une réaction, aussi infime soit-elle, juste un pincement des lèvres, juste l'observer tourner sa bague, un simple geste significatif. Et rien. Le néant dégueulasse. Aussi froid que la mort. Impassible qu'un cadavre. C'est étrange comme comportement. Cela ne lui ressemble absolument pas. Égaré dans un gouffre sans fin, le doute totale et fatale. L'incompréhension surplombe mon putain d'esprit. Pour beaucoup : ce serait un semblant normal. On se dirait qu'il a passé une mauvaise matinée, qu'il s'attaque donc à moi, un banal besoin de se défouler sur quelqu'un. Que la tempête s'écoulera. Que la paix reviendra rapidement. Mais Indy n'a jamais agit de la sorte, depuis toutes ces années, je ne l'ai jamais vu ainsi. C'est... Y'a pas de mot. Je suis complètement perdu. Je mords ma lèvre inférieure, à répétition. Je ne sais pas si je dois m'énerver ou conserver mon calme. Je ne sais tout simplement pas comment réagir. C'est con. C'est totalement con. Mais si la discussion continue dans cette lancée, j'vais montrer les crocs, c'est plus qu'évident. Ce que je ne souhaite pas. Et hélas, parfois, le contrôle disparaît, boum. Comme si tu n'étais qu'une putain de bête. Pour l'instant, il faut vraiment que j'évite la confrontation directe et brutale. Essayer d'aborder le problème sous plusieurs formes afin de trouver la cause. Sauf que, bordel, j'vois que dalle. Mis à part, peut-être, qu'il craque une bonne fois pour toutes. A réussi à se convaincre qu'il fallait que je dégage. Indy a reconfiguré son système interne. Il ne fait aucune mise à jour. Il efface et recommence sur de nouvelles bases. Attitude d'homme mécanique. Attitude d'Indy. Loin d'être un virus facile à éliminer, j'encule son putain de fonctionnement. Puis, je connais pas ce Indy là. Cette chose qui vit selon un schéma parfaitement établi à l'avance. Je ne l'ai jamais côtoyé et je ne veux jamais le côtoyer. Mais j'ai quand même la fâcheuse impression de le rencontrer en ce moment-même. Ça sonne faux, je reste perplexe. Ou j'veux simplement ne pas y croire. J'me voile peut-être la face, qui sait. « Quand on n'est bon qu'à prendre son pieds avec les putes de la ville... » Je souris légèrement en crachant la fumée en biais. Si nous partons sur ce sujet, il peut annuler tous ses projets pour aujourd'hui, l'après-midi et la soirée sont réservés. C'est interminable. Absurde. « Quand on n'est bon qu'à prendre son pieds avec sa main droite. » J'pouffe de rire, ne prêtant aucune attention à sa menace. Je ne partirai pas, point barre. Ici : c'est comme chez moi. Il me l'a suffisamment fait comprendre, j'agis en conséquence.
« J'ai toujours trouvé ça d'un pathétique. Essayer de te traîner vers le fond de toutes les manières possibles. Mes félicitations, ta gueule traîne sur le bitume. » Mais c'est quoi son problème. « Ô pauvre pauvre Monsieur Bernstein. C'est sûr, putain, ce fut si dur de me supporter, m'observer sombrer. Tu satures, c'est compréhensible, donc tu me jettes comme une merde. » Ton ironique, exagéré. « Mais surtout, ne t'inquiètes pas, je ne t'en veux pas. Tu es tellement à plaindre. » J'éclate d'un rire jaune. « Quel poids à porter sur tes épaules, presque aussi lourd que le tien sur mon dos. » Monologue complètement con, il égale Indy. Jouer le jeu, ridiculiser la scène. Me foutre prodigieusement de sa gueule. Si j'dois partir, autant le faire dans les règles d'art. Tu parles. J'ai la sensation d'être un gamin. Qu'importe. Cette situation est aberrante. « Tu n'es plus le bienvenue ici. » Je roule des yeux. Ok, s'il est vraiment décidé, j'abdiquerai éventuellement. Sauf que j'exige une justification, explication, le putain de minimum syndical. Ça me bouffe, littéralement. « Pourquoi ? » Question simple. Il devrait pouvoir répondre, c'est à sa portée, j'ose espérer. Quelle merde. Comme s'il n'y avait pas plus important à penser. Je ne veux briser les illusions, espoirs factices, ni perdre Indy, il ne me reste plus que ça, il nous reste plus que ça. « Je n'ai pas à rester avec les chiens galeux. Au revoir Ana. » Certes. J'écrase la gitane qu'à moitié consumée, m'installe à nouveau sur le côté, tête sur l'oreiller, tire la couette jusqu'à couvrir la moitié de mon visage. « Réveille-moi une fois que ton putain d'égo aura dégonflé. »
Indy K. Bernstein
PSEUDO : POLTERGEIST
Sujet: Re: My baby shot me down Mar 17 Jan - 14:57
Je savais pertinemment que la scène qui se déroulait ce matin marquait la fin d'un chapitre, ouvrait sur un nouveau. Ce fait m'apparaissait clairement et semblait me calmer doucement, focalisait mon attention sur les actions, les paroles à dire et éviter. Tout se dirigeait vers un seul but : le faire fuir, le faire exploser, et briser tout ce qu'il y avait pu avoir de doux, de charnel, de partagé entre nous deux. Calculé, cet épisode semblait surgir avec une clarté limpide, comme si elle avait été jouée et rejouée de façon muette depuis plusieurs semaines, comme si elle avait été préparée avec soin, une anticipation morbide, la précision d'un chirurgien scalpel en main, et corps encore chaud étalé sous ses yeux. Elle était restée muette, tapis dans l'ombre, et surgissait ce matin, avec une netteté qui m'avait fait tressaillir quelques instants. Si le décor, ma chambre visité et revisité, scène du nous passé qui ne ressemblait plus qu'à un échos du passé, restait le même, les deux acteurs avaient changé leurs jeux. L'un avait remplacé son texte, et l'autre essayait de le suivre sans rentrer dedans. Dans son habituelle ironie, Likka me fixait avec son air carnassier, celui qu'il arborait dès qu'une situation un tant soit peu délicate ou exceptionnelle se jouait. Ce à quoi je répondais par un mutisme et une apathie proche du coma. Les choses ne seraient plus jamais les mêmes, et ce fait était exposé clairement devant nous. Craché par ma propre bouche comme l'évidence que Likka ne reconnaissait pas, ou ne voulait pas encore reconnaître. « Quand on n'est bon qu'à prendre son pieds avec sa main droite. » Le pique est balancé, restant dans le même secteur. La seule chose qui avait bien pu m'énerver durant toutes ces années, la seule faille dans la machine, le trait qui semblait être le plus animal et que je ne voulais pas mécanique. « Ô pauvre pauvre Monsieur Bernstein. C'est sûr, putain, ce fut si dur de me supporter, m'observer sombrer. Tu satures, c'est compréhensible, donc tu me jettes comme une merde. Mais surtout, ne t'inquiètes pas, je ne t'en veux pas. Tu es tellement à plaindre. Quel poids à porter sur tes épaules, presque aussi lourd que le tien sur mon dos. » Likka continue dans sa lancée, et je ne souffle aucun mot envers ses railleries. « C'est sûrement ça. » Exagéré au possible, il se place comme la victime d'une comédie grotesque. Voilant par là même l'objectif vers lequel je nous poussais tous les deux.
Son « Pourquoi ? » n'obtient pas, pour autant, de réponse immédiate. Je laisse mes yeux parcourir la pièce, retomber sur son visage mué par un sourire de défit. Jeu de pouvoir, à celui qui se montre le plus ridicule, à celui qui parvient à obtenir le dernier mot. Je remonte les bras sur mon torse, les croisant légèrement l'un par dessus l'autre. La clope coincée entre mon index et mon majeur trace sa ligne de fumée grisâtre, se consume seule et les cendres s'écrasent sur le sol. « Réveille-moi une fois que ton putain d'égo aura dégonflé. » Il se replace dans le lit, couché, couette tirée jusqu'à son visage. Acte censé marqué le point final d'une dispute qu'il n'accepte pas. Quelques secondes encore, je reste dans l'abstraction, à le regarder sans un mot, sans un geste. Et enfin, avec une rapidité calculée, je surgis de ma non-réalité pour faire corps avec celle ambiante, de la pièce. Draps attrapés, tirés pour les balancer à côté du lit, je m'arme d'une voix ferme, brute. « Encore une fois, tu masques le problèmes avec ta salope d'ironie. Nous deux a toujours été une plaisanterie pour toi, la preuve est là. » J'avance d'un pas ou deux du matelas, laissant retomber un bras le long de ma hanche, l'autre à demi pointé vers son corps, index accusateur figé sur cette trajectoire. « C'est toujours plus facile de rester dans les parages hein ? T'accrocher plutôt que de rester seul, pour éviter de te faire bouffer par ta propre folie. C'est d'un pathétique Likka, le monstre suppliant, illusionné par un amour construit de toute pièce. » Le ton vire au mépris, les gestes au théâtral pour copier les sarcasmes ridicules. « C'est ridicule, tu as toujours été seul, tu es simplement trop lâche pour t'en rendre compte. Beaucoup trop égoïste pour imaginer les choses d'un autre point de vue que le tient. Tu es comme un gamin sans repères, qui s'agrippe à un parent, n'importe qui pour peu qu'on lui prête attention, qu'on essuie un peu la dose de problèmes. Tout est prétexte à ça, ton père, ta mère ensuite, ton job. » Je continue, imperturbable, trop concentré pour écouter ce que le flot de paroles, de pensées, hurle dans ma boîte crânienne. Arrête toi là, c'est ridicule, laisse le, laisse le. « Tout ça... » La main tenant la marlboro décrit un cercle, censé désigner la maison, censé m'inclure dans le paysage. « … n'est qu'une blague, et je n'ai plus envie d'en faire partie. » The end. Je grince des dents, la main légèrement tremblante à cause de l'énervement. « Va t'en. »
Likka Kļaviņš
PSEUDO : soft parade.
Sujet: Re: My baby shot me down Sam 28 Jan - 21:55
Le froid. Un flash glacial. Enclin à une douleur, plaie beaucoup trop manifeste pour qu’elle soit tolérable. Béante et dégueulasse. Terrer les tristesses, quelles qu’elles soient, fut toujours un acte d’une facilité déconcertante. D’apparence simple. Un banal exercice de prise sur soi. Je n’avais qu’à soupirer, fermer les paupières, et faire abstraction jusqu’à atteindre l’illusion de l’oubli. Un leurre divin. J’ai toujours fonctionné ainsi. Refoulé délibérément ce qui devait l’être. Sauf que, hélas, comme une putain de nausée, elles surgissent inexorablement. La couverture envolée, j'remonte les genoux vers mon torse, balance un « fait chier. » Bon. Indy semble vouloir discuter. Discutons. Je sens que je ne vais pas conserver mon calme très longtemps. La colère grimpe, agilement, le long de ma colonne vertébrale, l'ascension catastrophique. Je dynamite d'avance ma cage thoracique. Gitane à la bouche, j'bouge du pieu deux secondes, récupère le boxer égaré sur le sol, l'enfile rapidement, avant de reposer mon cul sur le rebord du matelas. Soupir. Exténué. Crevé. Flingué. Mort. Tout ce que vous voulez. Aucune réponse. Rien. Que dalle. Reste dans ton ignorance, Ana. Conneries. Indy ne péterait pas tout simplement un câble. Rares sont les moments où il est spontané. Ses actes, paroles, cachent souvent un espèce de stratagème infâme. Putain d'homme mécanique. Même avec moi. Il ne reste plus qu'à savoir pourquoi. « Encore une fois, tu masques le problème avec ta salope d'ironie. Nous deux a toujours été une plaisanterie pour toi, la preuve est là. » Et doucement, je frôle l'implosion. Et lentement, la scène s'éclaire. Je commence à saisir. Cependant, il est préférable d'attendre pour en être sûr. Voir comment évoluent les choses. Putain, c'est prévisible, faut pas s'illusionner, elles évolueront mal. Dès que je vais cracher mon venin, qui ne serait tarder, lorsque les deux parties montreront leurs crocs, ce bordel monstre prendra enfin tout son sens. Je mords ma lèvre inférieure, comme pour faire taire ma gueule, sorte de muselière invisible, attachée par ma conscience ou que sais-je, peut-être la peur d'affronter ce qui semble être la vérité. Baisse les yeux et laisse trembler ma jambe droite, sur la pointe du pied. Frotte ma nuque en fermant les paupières, menton bas, inspire la fumée et la recrache en ligne droite. « C'est toujours plus facile de rester dans les parages hein ? T'accrocher plutôt que de rester seul, pour éviter de te faire bouffer par ta propre folie. C'est d'un pathétique Likka, le monstre suppliant, illusionné par un amour construit de toute pièce. » Il faut encaisser. Encaisser. Encaisser... Maltraiter tes pensées et ton silence, jusqu'à faire chialer tes cellules nerveuses. J'me répète que c'est faux, nourris la chimère par tous les moyens possibles et inimaginables. J'évite de penser aux mots sang, fin, destruction, réalité. « C'est ridicule, tu as toujours été seul, tu es simplement trop lâche pour t'en rendre compte. Beaucoup trop égoïste pour imaginer les choses d'un autre point de vue que le tien. Tu es comme un gamin sans repères, qui s'agrippe à un parent, n'importe qui pour peu qu'on lui prête attention, qu'on essuie un peu la dose de problèmes. Tout est prétexte à ça, ton père, ta mère ensuite, ton job. » Longue inspiration. Intérioriser. Intérioriser. Intérioriser... Il ne faut surtout pas entrer dans ce jeu-là. Surtout pas. J'évite de penser au mot vérité.
Je m'habille pendant qu'Indy daigne nous accorder un temps de pause. Maintenant mon mutisme tant bien que mal, mais la sensation d'avoir le cœur noué, une boule cancérigène au ventre, les articulations frissonnantes, annonce l'arrêt prochaine du silence. Ça m'en fait mal de retenir l'explosion, sincèrement. Ma respiration vire courte. « T'as un putain de problème, Indy. » Soupir. « Sérieusement. Tu devrais plutôt te demander si toi tu n'es pas capable de voir les choses d'un autre point de vue que le tien. Ce n'est pas moi qui émascule tout mon entourage pour mes propres intérêts. Ce n'est pas moi qui oblige un mec à m'tirer dessus, afin d'éviter l'inévitable. Bordel, tu t'en rends même pas compte, toute ta vie a été construite uniquement pour et autour de toi. Alors, j'me voile peut-être la face,,mais c'est pas de l'égoïsme, ça, Indy. Toi, t'es qu'un putain d'égoïste, par contre. Ta vie le prouve. Ton sacrifice le prouve. » Le genre de paroles que tu ne dis pas, non, tu les gerbes tes foutues phrases. « Alors, s'il te plaît, oublie tes belles morales. Laisse ma putain de famille en paix. » Famille : sujet à ne surtout pas aborder, il le sait bordel, justement. Et j'me barrerais pas, une histoire de saloperie d'fierté peut-être. Je l'imite, reproduis le même geste, cercle imaginaire. « Tout ça. C'est ton théâtre. Ta merde. »
Indy K. Bernstein
PSEUDO : POLTERGEIST
Sujet: Re: My baby shot me down Jeu 15 Mar - 10:22
Je ferme quelques secondes les paupières, fronçant automatiquement les sourcils, menton dirigé vers le sol, bouche entre ouverte. Les images apparaissent avec une douce brutalité, le souvenir net d'une vie passée, simples épisodes rassurants, à l'encontre même de ce que nous étions devenus. Deux monstres se séparant, l'un plantant un couteau de marbre avec la froideur qui lui est due, dans le cœur de son ancien amant. La vie assassine la vie ; un fait sans loi, but transcendant et apparaissant comme une évidence claire, comme dictée par une conscience supérieure. C'est loin d'être du courage, les paroles et actions semblent se déverser avec une habileté dépourvue de préparation. Comme si je l'avais toujours su, comme si tout cela avait été préparé bien avant que je ne m'en réellement compte. Et les phrases continuent, sur un rythme glacial, méthodique, dans un ordre précis, calculé et tracé sur du papier à musique. J'occulte la scène, je la regarde sans vraiment la vivre, jette un simple coup d'œil en laissant la place à l'automate, acteur brillant qui n'est pas moi, qui agit pour moi, pour lui en trouvant la force nécessaire pour chasser Likka de ma vie. Le faire sortir de cette bulle qui nous retenait prisonnier l'un à l'autre ; je brise ses chaînes, essaye de changer le comédien ; de simple jouet, doux, extirper le bourreau alors inconnu à mes yeux. Le protagoniste se terre dans la marre de souvenir, savoure avec une douce candeur la nostalgie des années perdues, dans lesquelles il souhaiterait se plonger, rester enfermé à jamais, poings et pieds liés. Indy meurt avec ses paroles, le lien, le cordon sentimental coupé, il se brise avec lui. Survivre alors ? Oui, c'est la seule option s'imposant. Survivre à quoi, qu'est ce qui survit. Reste ingrat d'une humanité piétinée, pour le plaisir d'un inconnu. Quelques mots avaient suffit à happer le reste de chaleur ; ce n'est pas notre histoire, on nous l'a imposée.
C'est ridicule, bête à en pleurer, à en devenir dingue. Exercice mental, je n'ai jamais été sur la corde raide, mains des deux côtés du fil, à avancer sans savoir si le but allait être atteint. Je nage en pleines eaux troubles. Je n'ai pas affaire à un vulgaire pantin lycéen, c'est Likka qui me fait face. Likka. « T'as un putain de problème, Indy. » Nous avons un problème Likka, nous. La machine se met en branle, le combat de chiens enragés débarque dans toute sa laideur et violence. Égorgez vous gaiement puisque vous vous aimez. Mes yeux se posent sur lui, fixent, sans indication sur mon état, sur ce maelström de pensées intérieures. C'est la bousculade en cascade. « Sérieusement. Tu devrais plutôt te demander si toi tu n'es pas capable de voir les choses d'un autre point de vue que le tien. Ce n'est pas moi qui émascule tout mon entourage pour mes propres intérêts. Ce n'est pas moi qui oblige un mec à m'tirer dessus, afin d'éviter l'inévitable. Bordel, tu t'en rends même pas compte, toute ta vie a été construite uniquement pour et autour de toi. Alors, j'me voile peut-être la face,,mais c'est pas de l'égoïsme, ça, Indy. Toi, t'es qu'un putain d'égoïste, par contre. Ta vie le prouve. Ton sacrifice le prouve. » Cette journée est cancéreuse, notre vie est cancéreuse. Les survivants d'un monde anonyme venaient de se faire assassiner. Tue la. Tue la maintenant cette relation. Hysteria, ne perds pas le contrôle. Ne chavire pas Indy. L'afflux sanguin fait vibrer mes tempes, trembler mes mains qui se contractent automatiquement. Maintenant. Remplis de cette idéologie, de cette impression de le sauver, plus rien d'autre que cette forme ne compte, plus rien ne peut compter. Ce n'est pas permis, ce n'est pas de l'ordre du concevable. Si je chute, il me suit, nous se vautre dans un abysse déjà ouvert sur lequel nos pieds de pantins articulés flanchent. L'horreur de notre situation me remplie, coupe toute forme de plan autre que celui que j'essaye d'exécuter. Elle me galvanise, cette peur, cette sensation nauséeuse qui tord mes tripes, comprime mes nerfs pour faire de mon cerveau un amas informe, une bouillis structurée autour de la métaphore du brave amoureux saoule de courage. Sourire acerbe, l'acteur lance un sourire de dégoût profond, d'hystérie maladive. « Tu n'es rien Likka. Tu n'es rien et tu le sais très bien. Un foutu clébard qui crèves de peur dès qu'on menace de couper la laisse. Égoïsme ? Qui était là quand ta foutue mère a rendu l'âme hein ? Non Likka, mon monde, je l'ai organisé à deux, le seul putain d'égoïste ici c'est toi. Sans moi, on t'aurais retrouvé au bout d'une corde, gerbe à tes pieds, trop lâche pour affronter seul le reste, les tripes compressée par la peur. Cites moi une seule fois, une seule où tu m'as été utile en quoi que ce soit. Tu as toujours été le poids accroché à ma cheville. Tu ne comprends pas ? J'ai pitié de toi Ana. Tu n'es qu'une merde, un putain de pantin. L'arme au bout du bras d'un mec, on appuie sur la gâchette, tu tires. » Je me retourne, quelques pas en arrière pour tirer vers moi le tiroir de la commode. Flingue en main, je le balance sur le matelas, face à Likka. « Tu .. TIRES. »