Rien ne m'obligeait à être là. Pourtant je l'étais. Je me languissais dans cette rue, qui n'en finissait pas. Ma mère me tenait par la main, cette main douloureuse que j'avais écorchés en voulant faire le malin. Ses plaintes me criaient aux oreilles, ma main souffrait sous la pression de la sienne. Mes joues étaient criblées de larmes, ma peau cireuse fondait avec disgrâce. Je gémissais. Je me plaignais. Je criais à qui veuille m'entendre. Sans raison. Seulement par contradiction. Stupide dans mon bermuda orange, une casquette visée sur mon crâne. Elle ne cessait de se retourner. Arrête de pleurer. On dirai un bébé. Arrête de couiner. Avance plus vite, petite saleté. refrain incessant. refrain de fasciste, qui m'exposait les Tempes ! Je me sentais poussière dont on souhaite se débarrasser, qui s'accroche, s'accroche. Assailli par la peur de la solitude.
Elle s'arrêta. Net. Je pris le temps de renouer mes lacets. Ma mère restait scotché au sol, les yeux au ciel. Absente. Une silhouette humaine se découpait dans le ciel, tout en haut du bâtiment qui nous faisait face. Le vent se tortillait dans ses cheveux, conviés à une danse folklorique. Le sol prenait contact avec ses pieds nus. FIN n.f. Elle portait une robe légère en dentelle blanche. FINAL n.f Le vent s’engouffrait dans son vêtement, se mêlait à sa chevelure, glaçait la pauvre chaire de son corps. FINALITE n.f. Devant mes yeux, une nymphe. FINESSE n.f. Un bout de porcelaine. FINI adj. Des longs filaments d’or. FINISSANT adj. Deux yeux d’opale. FINITION n.f. Et l’envolement d’un oiseaux blanc. FINIR, ACHEVER, TERMINER, MOURIR, DÉCÉDER, TREPASSER, PERIR, SE SUICIDER, METTRE UN TERME A SA VIE v. – rejoindre les démons ancestraux de la mort.
Un plongeon dans le vide, elle se tortille, se retourne sur elle-même, pèse sur l’air. J’aperçois son dernier sourire, pendue sur ses lèvres délicates.
L’envie me prend de la sauver, moi, jeune enfant de sept ans. De traverser la rue courageusement. De tendre les bras vers le ciel. De rattraper cette plume légère, qui virevolte dans les airs. Je m’imaginais déjà, doté de la bravoure d’un héros, avoir parcourue la moitié de la distance qui me séparait d’elle. A mon grand désespoir, je n’avais pas bouger d’un seul centimètre. Mes rêves m’envahissent de trop. Mon regard observe ce bout d’être se déposer sur le sol. Je ne l’ai pas pû la sauver. J’aurais pu l’aimer. Avoir des enfants avec elle, fonder une famille avec elle. Vivre avec elle. Mais je su dès lors sa bouille angélique m’est apparue, qu’elle vivrait éternellement à mes côtés.
Ma mère me tire par la manche, je détache mon regard du corps de l’enfant. On continue notre chemin comme si rien ne s’était passé. Absent, nos pieds suivent le rythme des passants qui marchent devant nous. Nos corps sont en deuils. Un coup d’œil derrière mon épaule droite, je vis une foultitude de gens s’amasser devant son corps immobile.

Un banc publique m'avait accueillis tel un trône accueille son roi. Les enfants aux sourires espiègle, s'empressaient de grimper sur le manège colorés. Certains prenaient d'assaut les chevaux , d'autres préféraient s'installer sur la baquette du carrosse. Les cavaliers devaient s'occuper de la sécurité des passagers du véhicule. Le cortège transportait la famille royale des riches contrés de l'Orient. Ils se rendaient chez leur voisin, les occidents pour offrir leur fille au prince du royaume. Beaucoup de villageois s'opposaient à cette union, jugées avec mépris. Selon eux, ce mariage ne rétabliraient en aucun cas l'entente entre les deux pays, ils souhaitaient stopper le voyage, et kidnapper la jeune fille ! Des cailloux rocailleux heurtèrent les deux chevaux, ils se cambrèrent avec grâce.
Le manège démarra. Je restai, ébahis devant ce spectacle. Mon enfance resurgissait à mes yeux, lorsque ma chère mère accompagnait, mon frère et moi, à la ville pour nous offrir un tour de manège, et une gigantesque barbe à papa. Nous étions heureux comme ces enfants, qui tournoient accrochés à l'encolure de ces chevaux en plastique. Nous rions. Nous nous battions pour avoir la meilleur place, le cheval le plus puissance, celui qu'on avait l'habitude prendre. On lui susurrait des mots à l'oreille, comme les vrais cavaliers. On leur donnait un nom. Mes souvenirs me monte à la tête. Je me voit tournoyer, au son d’une valse. Accompagné de ma bien-aimé. La réalité remonte à la surface. Le jeune homme qui m’accompagne, me prend par l’épaule. « Bon, on va baiser maintenant »