Mon portable (Blackberry) et un médiator de guitare.
Un mascara, un livre, des feuilles où sont écrits des partitions, et quelques phrases par-ci par-là.
Des boîtes contenant les petites pilules de couleurs, des partitions, des CDs.

Encore une soirée. Ce n'est ni la première, ni la dernière. La musique résonne dans ma tête, elle est bien trop forte, et il fait bien trop chaud. Mes tympans menacent d'exploser d'une seconde à l'autre, et pourtant, je ne bouge pas. J'écoute d'une oreille distraite ce que me raconte la personne assise à côté de moi. Elle me raconte les derniers potins, les dernières rumeurs, qui a couché avec qui, qui a trompé qui. Cela finit par me faire rire. Elle tend sa main et verse ce qu'elle contient dans ma paume, dans un sourire. Je murmure un merci, avant de me lever sans prévenir, pour aller chercher quelque chose à boire. Ma démarche est hésitante, mes jambes se font plus lourdes à chaque pas et pourtant je reste debout. Je suis là sans vraiment être présente. Comme si mon âme s'était fait la malle quelque part, et mon corps est tous les jours à sa recherche. Mon regard fait le tour des gens autour de moi. Je ne connais qu'une poignée de personnes, et je finis par me demander ce que je fais là. Depuis que cette routine a commencé, je n'ai jamais trouvé la réponse. Je crois que j'avais besoin de me retrouver entourée de gens aussi paumés que moi. Je ne sais pas ce qu'est la vie, ni comment la vivre. J'ai été élevée sans parents. Je n'ai jamais vraiment eu de relations, amicales ou amoureuses. Enfin, je suis en phase d'apprentissage. Les études que j'entreprends sont la seule chose qui me retiennent. La musique. Une thérapie au quotidien. J'ai commencé à comprendre qu'avec elle, on pouvait rencontrer des gens. Et si ces personnes ont la même passion, cela peut créer des liens entre elles. Et des liens beaux et forts, car à la définition des promesses, une passion ne peut jamais disparaître. Un dernier regard sur les personnes présentes, je soupire. Ils ne savent rien. Ils ne me connaissent que par mon nom de famille, qui me rattache à des parents fortunés. Ils ne savent pas que je rêverais d'avoir une vie plus banale, sûrement comme la leur. Et je suis là, je me tais. Parce que je ne sais pas parler, je ne sais pas quoi dire, je ne sais pas ce que les mots peuvent m'apporter. Et c'est dans ce silence que mes jambes me traînent en dehors de la maison.

L'air s'infiltre à nouveau dans mes poumons correctement. Je marche le long des rues, d'un pas hésitant encore, les talons résonnant sur le bitume, ma démarche n'est pas assurée mais je m'en fiche. Il n'y a personne. Seulement le ciel, les étoiles, et ce silence. Qui fait partie de moi, qui m'habite depuis dix neuf ans. Je peux parler de tout, de rien. Mais surtout pas de moi, de ce que j'ai vécu. Je garde ce calme constant, j'ai trouvé un moyen de garder tout en moi sans que cela n'implose. La musique, et puis, des petites pilules, grâce auxquelles je fonde un nouveau monde, mon monde à moi. Les rues me rendent ce silence et je m'y sens bien. Seule, comme depuis dix neuf ans. Du moins, c'est ce que je croyais. Je m'allonge sur le bord de la route, bordée d'un pré. Aucune voiture ne passe à cette heure là. Puis, des pas se font entendre. Mon oreille près du bitume les entend résonner. Qui que ce soit, qu'ils me traitent de folle, je m'en fiche. Les pas se rapprochent. Et finissent par s'arrêter à ma hauteur. Mon regard tourné vers le ciel, je ne vois pas la personne qui s'est arrêtée. Je sens qu'elle s'allonge comme moi, mettant sa tête près de la mienne. Dans l'obscurité, je sens son souffle proche, rassurant. Une voix masculine s'élève dans le noir. Qu'est ce que tu fais? J'écoute le silence et observe l'obscurité. Silence. Tu peux m'apprendre? Mon coeur s'arrête de battre un instant. Il vient de prononcer le mot apprendre. Jusqu'ici je croyais que tout le monde savait, sauf moi. Et pourtant. Mais qui est-il ? Je tourne alors le regard dans sa direction. La lune éclaire faiblement son visage et je distingue son profil. Doucement, je souris. Sincèrement, pour la première fois. Je ne sais pas qui il est, ni ce qu'il fait ici. Mais je veux le connaître. Et dans cette nuit fraîche d'été, en silence je lui fais cette promesse. Oui, nous apprendrons.