Un portable dépassé dont la coque grise est fendue, un mp3 diffusant majoritairement du Bowie et Les Stones, un paquet de clopes presque vide, un feu qui ne marche plus, un feu qui marche, et les clés de la "sacristie".
Un bouquin de maths, un de français et du Shakespeare. Un cutter, un porte-feuille vide au rebords élimés, une carte de transport en commun et une barre de céréales.
Une pile de CD. Une ou deux revues pornos, quatre ou cinq paquets de clopes vides. Beaucoup de poussière. Une réserve perso de confiseries, un tas de gribouillis sur lequel est posée une boite de pastels... On aperçoit au fond, près du mur et loin des regards indiscrets : un exemplaire du Quantique des quantiques, un de Mein kampf, les fleurs du mal, ou encore Voyage jusqu'au bout de la nuit et une Bible... et ah oui, quelques bandes dessinées nippones. Ben quoi, j'ai un grand lit.

- Dis moi, Ian …
- Nath’, connasse, c’est Nath’.
Un soupir agacé enflamma ses lèvres sèches, qu’est-ce qu’elle lui voulait encore celle-là ? C’était la troisième depuis le début de la soirée à venir lui casser les joyaux.
- D’où tu viens ?
A ton avis ducon ? Soit cette fille souffrait de strabisme soit, le punch était trop dosé. Et d’ailleurs, comment cette flasque sur pattes avait-elle pu remarquer son métissage, c’est à peine si elle pouvait ouvrir les yeux ! L’alcool décuplerait-il la vision des sacs à foutre ?
En dehors de sa petite taille, et de ses yeux à l‘amande un poil plus prononcée que celle de ses compatriotes rien ne différenciait Quinn Nathaniel Bishop des autres jeunes de Derby. Alors pourquoi , nom de Dieu de bordel de m***e, ramassait-il tous les blaireaux du coin ?! Rectification, Derby était l‘antre des connards et fripouilles de semblable acabit, les blaireaux, ça pullule dans ce genre de bouge. M’enfin si ils étaient trop cons pour se rendre compte que le loup était dans la bergerie, tant pis, Nath’ , lui, s’amusait fort bien de sa double identité.
- Hey, pourquoi... pourquoi tu parles pas. t'es timide hein ?
Aucune importance, Quinn n’avait ni envie de boire, ni envie de causer. Quinn voulait mettre les bouts de cette fête ringarde de toxicos supposés avant-gardistes et underground comme ils aiment se nommer dans le jargon.
Trop Tard.
- Putain ! L’enfoirée…
Il avait suffit d’une demi-seconde d’inattention pour que cette drôle d’inconnue pas plus intéressante que le reste du monde ne devienne le centre du petit univers de Nathaniel, ou plus précisément : de son t-shirt.
Le jeune homme se leva brusquement, laissant sa compagne rouler , tête toute enfouie dans le velours du sofa décrépi enduit de sa propre gerbe. Empoignant les cheveux de la malheureuse, faute de trouver mieux, Nath’ nettoya comme il le pu ses oripeaux. Après avoir proférer quelques bibliques jurons devant cette incurable tache, il releva d’un coup sec le visage blême de l’alcoolique catastrophe, tirant sans aucun ménagement sa chevelure blonde enduit des restes de son repas avant de lui décoller une énorme gifle.
- Hey ! Tu m’entends ?
Elle releva les épaules en grommelant, Nath’ , l’œil plein de fiel grogna, serrant le poing, puis se résigna , relachant la crinière souillée de son agresseur ce qui eu pour effet immédiat de la laisser retomber dans une flaque de bile.
- Si seulement elle était baisable… soupira le jeune Bishop, qui prenant son mal en patience, chargea son encombrante soularde pour la trainer jusqu’au sanitaire le plus proche.
- T’es mignon tu sais… enfin pour un asiat’. J’veux dire, t’es sans doute un geek coincé non ? Comme ceux qu’on voit dans les séries ? C’pas graaaave, je kiffe Zelda et Mario, tout ça tout ça. J’ai regardé sailor Moon t’sais, puis j’adoooore les sushis …
Vas-tu fermer ton clap-merde, que je me désinfecte ? Voilà en gros ce que pensait Nath’, trop inquiet pour ses frusques et son odeur corporelle pour se soucier des conneries que débiter miss gerborama. Avec ce contre temps fâcheux, il risquait d‘être découvert. Il avait travaillé trop dur pour que ce petit jeu cesse ici, dans les chiottes crasseuses d’un bar clandestin au fin fond de Tataouine-les-œillets !
- Puis c’est vrai ce qu’on dit sur vos queues ? Remarque c’est peut-être pas plus mal, elles ont des petits bouches les asiat aussi …
- Tu veux vérifier peut-être ?!
Voilà une réplique qu’elle n’attendait pas, si surprenante qu’elle en resta muette, fixant le jeune homme se tenant face au lavabo, la bouche bée. Il tourna ses prunelles noires vers elle, ses sourcils froncés lui donnaient l’air d’un enfant boudeur et capricieux à qui l’on vient d’ôter son jouet. Mais derrière ces pupilles brumeuses, rien de bon ne se cachait. Elle recula, tel un cloporte rampant le long d’un mur jusqu‘à ce que son dos ne puisse plus traverser le vide et se heurte au carrelage gelé. Il tendit la main vers elle. Il était plus fort qu’il n’en avait l’air le petit Nath’ ! Il la leva sans problème, la traina jusqu’au lavabo contre lequel il la maintenu fermement. Passant sa main dans ses cheveux blond il cramponna son cuir chevelu, son emprise était si forte qu’elle cru y perdre des poignées entière de cheveux, elle allait s‘évanouir de douleur, pensa-t-elle. Que voulait-il lui faire ? Alors qu’un millier de doutes se bousculait pour avoir la part belle dans les limbes de son cerveau, la réponse s’imposa d’elle-même à la jeune fille . Il allait sans doute la… la…
- C’est ma ceinture que tu sens connasse. Lave toi, t’as vu ta gueule sérieux ?!
Nath relâcha son étreinte sur la chevelure de la jeune fille, écartant son bassin de ses reins, il recula et s’appuya contre le battant d’un chiotte bouché, alluma une clope.
- Tu…Tu ne vas…
- Te sauter ? J’oserais même pas te mettre un doigt. Fit-il d’un ton dédaigneux, assortissant sa réponse d’une grimace de dégout.
- T’es qu’un sale con !
- Oh, t’y tenais vraiment ? On peut s’arranger princesse…
Joignant le geste à la parole, après tout il faut ce qu’il faut sinon le jeu n’en vaut pas la chandelle, Nath jeta sa clope et défie sa ceinture, fixant du coin de l’œil son acolyte tout tremblante de terreur.
S’en était trop. Nath’ éclata d’un rire nerveux. Non , décidément, il ne pourrait rien en tirer de plus.
- Hahaha, c‘est trop jouissif, tu verrais ta gueule, tout l‘effroi dont t‘es encore capable barbouillé sur ton visage blême et cireux, le maquillage dégoulinant, les cheveux en vrac, la bouche pleine de gerbe. Avec une touche de blush t'aurais presque l'air , humaine. C‘est bon j‘ai assez pris mon pied pour la soirée. Tiens, pour ta peine.
Et c’est tout naturellement, défroqué et nonchalant que Quinn déposa un billet de 20 sur le rebord de l’évier avant de passer la porte des toilettes, laissant la jeune fille s’effondrer sur ses jambes flageolantes.

- T’y réfléchiras à deux fois avant de dégueuler sur un inconnu, abrutie.

Il était tant de rejoindre la « sacristie ».